Chroniques

Label marocanité : Les marchands de l’injure

La censure recule et tant mieux. Elle ne peut, de toutes les manières, pas faire autrement tant l’essor des moyens de communication, en particulier Internet, dénote de la puissance Nous vivons, en revanche une ambiguïté entretenue avec la notion de liberté d’expression. Une forme de confusion entre la liberté d’expression et la libération de la parole. C’est un gros, très gros problème.
La liberté d’expression, comme l’indique l’ancêtre des Déclarations des Droits de l’Homme, a un entendement précis. Elle se veut comme la libre communication des pensées et des opinions. Elle est même considérée comme un des droits des plus précieux. Elle doit pouvoir permettre à «tout citoyen de parler, d’écrire ou imprimer librement», mais la même déclaration ajoute une condition, alors qu’elle est élaborée au cœur même de la fièvre révolutionnaire de 1789. Cette liberté est totale «sauf à répondre de l’abus… dans les cas déterminés par la loi». La loi, voilà un mot qui est beau.
Comme dans toute affaire humaine, ce n’est jamais le principe qui est en cause mais souvent  l’usage qui en est fait. Face à la liberté d’expression, il y a trois usages possibles : hormis celui qui n’épuise pas toutes ses potentialités, il y a l’usage normal et l’autre radical. Les radicaux ne s’appuient pas sur le principe seul. Ils invoquent, le plus souvent, une célèbre et récente (1999) jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme qui jugea la liberté d’expression non seulement pour les «informations» ou «idées» … considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent : ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture sans lesquels, il n’est pas de «société démocratique».
Il y a le texte et le contexte. La Cour a voté cette sentence en traitant de la plainte d’un grand patron de l’industrie automobile contre le «Canard enchainé» pour avoir publié un article qui détaille, photocopies de l’avis d’imposition d’impôt à l’appui, de l’évolution faramineuse du salaire dudit patron au moment où il refusait, de façon obtuse, d’augmenter les salaires des ouvriers de son groupe. Et la Cour avait raison parce que le journal n’avait fait que son travail tout en restant dans les balises déontologiques du métier.
Au Maroc, l’adage populaire nous enseigne «qu’il ne faut pas laisser une folle faire les youyous». C’est très sage. Nous avons aujourd’hui un problème de gestion de la libération de la parole. Nos radicaux à nous ne cherchent même pas à choquer ou à inquiéter. Ils visent surtout à heurter. A défaut d’idées, ils calomnient. Chaque jour que Dieu fait, une puissant(e) ou estimé(e) comme tel est mis sur le bûcher du verbe fou et de la langue déliée et sans os.
Si les marchands de l’injure vivent une période faste. Leur responsabilité est partagée avec leur lectorat sur laquelle il faut aussi avoir le courage de jeter la pierre.

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