Nicolas Sarkozy a beau clamer devant ses troupes qu’il faut «laisser le sectarisme aux autres», l’ouverture politique qu’il entreprend fait, et c’est sûr, du mal à la gauche. Mais elle passe tout aussi mal et même douloureusement chez ses troupes. Les élus de la droite victorieuse et hégémonique ne savent plus où donner de la tête. Ils se sentent floués pour ne pas dire cocufiés. Ils assistent, impuissants, au débauchage des talents du camp adverse comme si eux n’en possédaient pas… des talents. Et s’ils continuent, malgré leur amertume et douleur, à faire bonne figure, cela n’empêche nullement la soupe aux grimaces.
Sarkozy, qui n’en est pas à une agitation près, a comme du mal à perdre son entrain et sa fougue électoraliste. Pour lui la période électorale ne s’achèvera qu’avec les municipales prévues en mars 2008. Il va donc plus loin dans sa logique d’ouverture et demande à l’UMP et à ses troupes de le pasticher. Il leur suggère d’ouvrir les portes et les fenêtres des listes présentées par l’UMP aux municipales de 2008. Il veut que ces listes soient accueillantes et qu’elles offrent de bonnes places pour l’ennemi. En particulier dans les bastions perdus par la droite en 2001. La froide soupe de grimaces commence donc à bouillir en grogne retenue. L’habilité politique est une chose. Demander aux copains de faire hara-kiri en est une autre.
On ressent cette colère tout particulièrement dans une région comme la mienne, l’Alsace. Cette région tellement de droite au point d’échapper, presque seule, à la vague rose de 2004, ne comprend pas qu’on puisse ainsi récompenser l’adversaire d’hier. La députée du Haut-Rhin, Arlette Grosskost, qui a déjà fait part de son exaspération en ne siégeant plus, au Parlement, avec le groupe UMP, ne compte pas plus rentrer dans des noces municipales avec Jean-Marie Bockel, ministre d’ouverture, maire de Mulhouse et surtout son ennemi juré.
Les états d’âme d’Arlette, Sarkozy n’en a que faire. Pour lui l’ouverture, empruntée à un François Bayrou qui, durant la campagne électorale, en avait fait sa marque de fabrique, ça marche. Pour preuve, elle est plébiscitée par les Français. Jamais la popularité de Nicolas Sarkozy n’a été aussi solide que depuis qu’il s’applique à briser l’échiquier politique même si c’est au détriment de l’éthique politique. Deux Français sur trois semblent l’approuver et ont de lui une image positive, selon un sondage. Dix points de mieux qu’il y a deux mois !
Cette ouverture, toutefois, ne tardera pas à perdre son caractère électoraliste, en attendant les municipales ou son caractère cosmétique déjà vérifiable dans les faits. L’épisode libyen avec la libération des infirmières et l’implication de Cécilia Sarkozy donnent déjà à réfléchir sur la place accordée à Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères et gros gibier de l’ouverture. Sarkozy fait de ce point de vue l’ouverture mais se réserve, y compris familialement, le pouvoir et la gloire.