A un jet des côtes marocaines, j’ai fait cette semaine une escapade dans les Iles Canaries. C’est l’occasion pour moi, non pas de parler de cette retraite personnelle et familiale, mais de livrer les fortes impressions que dégagent cet archipel et son tourisme de masse. Si on veut savoir ce qu’est avoir 10 millions de touristes par an, c’est dans ces îles qui sont à quelques vagues du sud du Maroc, qu’il y a lieu de recueillir la technique, l’expérience et l’inspiration.
Le tourisme est une industrie. Il a sa propre technologie. Son propre savoir-faire. Ces îles nous disent qu’une terre rocailleuse, sans aucun type de culture agricole ni aucun minerai peut devenir un gisement de richesse grâce à la nature, la mer et le soleil, et surtout grâce à la volonté humaine et politique. Par quelle magie un archipel, façonné par des milliers d’éruptions volcaniques qui le rendent stérile, peut-il devenir un endroit exotique et propice à la farniente ? Et bien justement, il n’y a pas de magie là dedans. Il y a le travail, la rigueur, la détermination.
Le soleil et la mer sont précieux. Pour valoriser la nature, il faut de l’infrastructure. Et pour un tourisme de masse, il faut des infrastructures de masse. L’Etat seul peut y faire face. Le privé peut y contribuer mais sa propension à vouloir gagner ici, maintenant et tout de suite l’empêche d’avoir de la vigueur dans l’ambition.
Les détracteurs du Maroc lui reprochent le slogan «plus beau pays du monde» et ils ont tort. Le beau pays est toutefois insuffisant. L’Afghanistan est magnifique, mais personne n’y va. L’Iran est sublime mais on s’en détourne. La beauté et l’authenticité ne suffisent pas. Il faut être en capacité d’offrir la sérénité, en lien avec la sécurité, et le confort qui n’est pas nécessairement à confondre avec le luxe des palaces. Ce qui est frappant dans ces îles, c’est le nombre de personnes âgées qui viennent d’Allemagne, d’Angleterre, et de tout le nord de l’Europe. Le vieillissement de la population occidentale constitue un atout touristique. Bien portante avec un réel pouvoir d’achat, c’est un segment à cibler. Il faudra le faire avec une volonté de massification. C’est qui influera sur les prix dans un marché planétaire et très concurrentiel. A cela, en plus de la sécurité, il est nécessaire de s’adapter à la demande du touriste et non inviter le touriste à une adaptation forcée à ce que nous sommes. Surtout lorsqu’il s’agit d’une population vieillissante, capricieuse et encrassée dans ses habitus. Si un touriste veut être dépaysé tout en gardant son goût pour le vin ou le porcelet, il faut être en capacité de le lui offrir. C’est le prix à payer. Le tourisme halal est une erreur stratégique.