Je ne sais pas ce qu’on doit dire de l’Union africaine avec à sa tête Mouammar Kadhafi. Est-ce un truc ? Un bidule? Une amicale de bouffons? La chose ? Et dire que le changement opéré en 2002 pour dissoudre et remplacer la vieille et grabataire OUA par l’actuelle UA voulait en finir avec cette image.
Je ne sais comment le siège de l’Union africaine vit l’intronisation du Colonel. Et c’est le président de la commission, le diplomate gabonais, Jean Ping qui doit se gratter d’irritations. Il devra se farcir le Libyen un an durant. Et le Libyen, il vaut mieux l’avoir en photo que de l’avoir à la tête d’un Etat ou d’une organisation internationale. Il faut dire, toutefois, que cette élection n’est pas le fruit d’un désir incompressible des Etats ou d’un appel profond de la savane africaine. Elle n’est que simple logique. En effet, cette année, c’était le tour de l’Afrique maghrébine d’être à la tête de l’Organisation. Et comme la Mauritanie est suspendue depuis le coup d’Etat, l’Egypte et l’Algérie absentes, le Maroc toujours retiré de cette instance, Kadhafi n’a même pas eu besoin de faire d’effort ni de se faire prier. Le chemin, balisé par l’absence, était libre de toutes entraves pour une présidence continentale.
C’est le droit de la Libye d’être à la tête de l’organisation. Le problème, c’est Kadhafi. Passe encore son bilan calamiteux à la tête d’un pays gorgé de pétrole. Passe encore les rêves brisés de son panarabisme, son panamaghrebisme, son révolutionnarisme et l’orchestration du terrorisme international. Passe encore son traitement des migrants africains dont une grande partie de Marocains à qui il refuse l’accès à l’école publique pour leurs enfants. Tout cela est presque en cohérence avec les incohérences du Guide et les sauts d’humeur qui ont perlé son long, trop long règne. Mais ce qui ne passe pas. Ce qui ne s’avale pas, c’est la dimension psycho du personnage. Outrancier et mégalo, le Guide semble s’enfoncer dans un personnage excentrique au sens littéral du terme. C’est-à-dire décentré. Avec ses accoutrements extravagants, ses lunettes de ski, ses airs baroques, il donne le sentiment d’être plus digne d’un hospice que de la présidence d’une organisation internationale. Présidence, dites-vous ? Trop étroit. Môssieur, sans rire, demande à ses pairs de l’appeler officiellement «roi des rois traditionnels d’Afrique.»