Chroniques

Label marocanité : Un dossier indigne

Le foot rend fou. Il est l’un des rares sports à générer dans son sillage la violence. A l’intérieur du stade (tragédie du Heysel, coup de boule de Zidane contre Materazzi) comme à l’extérieur où parfois se déchaînent les passions des supporters, avant ou après match. C’est par ailleurs un terrain qui exacerbe les nationalismes. Il s’y cultive la domination de l’autre. Il s’y cristallise les volontés de puissance.
Le hooliganisme qui fait partie de l’univers footballistique ne s’arrête pas là. Il peut être aussi dans le commentaire. Là, on passe subrepticement du terrain sportif au terrain politique. On peut partir en vrille et le propos en devient très vite dévastateur. Le week-end dernier, un dossier consacré aux Lions de l’Atlas, par un titre de la place, est tombé funestement dans ce travers.
Le dossier ne fait pas dans la dentelle. J’ai cru lire un tract de l’extrême droite sur l’équipe de France. Le titre, un peu racoleur : «Équipe nationale avec toutes les langues du monde». Autant parler de cosmopolitisme. Les sous-titres sont de la même veine: une sélection «occidentale (gharbie)» qui a égaré son «m» de marocanité. Des «joueurs qui méconnaissent l’hymne national», une sélection à «identité égarée». Ainsi donc, les raisons de la défaite étaient toutes trouvées. Ces enfants d’immigrés ne mouillent pas assez la tenue pour le pays. Leur patriotisme est donc mis en doute par un nationalisme de mauvais aloi. Lamentable et indigne… . Sans compter qu’on ne demande pas à un footballeur de jouer avec ses lèvres mais avec ses pieds.
Ce pays me donne l’impression parfois d’avoir un contentieux sémantique et schizophrène avec son émigration. Très émigrophile dans les slogans, il peut, pour peu qu’il se relâche, être très émigrophobe dans les gestes. Le dossier d’Assabahia est symptomatique de cette ambivalence.
Oui, il y a des enfants d’immigrés qui parlent un arabe estropié et l’anomalie, c’est de le leur reprocher. Il y en a même qui ne parlent que le rifain et le hollandais ou l’allemand, et l’outrage, c’est d’en faire pour cela des Marocains moins patriotes. Et puisqu’on fait tellement le malin, pourquoi donc une Nation qui a trente millions d’habitants est-elle incapable de forger un entraîneur national puisque, en la matière, on fait de l’import?
Tant que notre pays, sur son émigration, se contente des analyses belgendouziennes, il restera arrimé à une pensée huître comme aime à dire Philipe Val. Et chez nous, il s’agit plutôt de pensée moule, mollusque moins noble. C’est-à-dire avoir des idées sommaires sur des réalités complexes et s’y accrocher bêtement comme la moule s’accroche à un rocher.

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