Quoi qu’on en dise, le choix qui, depuis le second tour, restait aux Français ne pouvait être qu’audacieux. Voire historique. Ils avaient, en effet, le choix entre s’abandonner, pour la première fois, à une femme ou de se donner à un «sang mêlé». L’usage de cette expression, loin d’être hostile, est un emprunt à Nicolas Sarkozy himself. Les Français ont, en conscience, tranché. Ils ont intronisé un enfant du pays dont les racines hongroises sont toutes fraîches. L’arrivée de son père en France date de 1948. La France, de ce point de vue, s’est un peu californisée…si j’ose dire. La Californie, s’était donné comme gouverneur un pur produit de l’immigration, Arnold Schwarzenegger. Cet enfant d’Autriche était un culturiste qui a dominé l’univers avant de conquérir l’Amérique. Il a pu, dans cette région où se fabriquent les songes et les rêves et où tout est possible, emporter l’adhésion d’une majorité de Californiens.
En portant Nicolas à la présidence de la République, les Français, et la France avec, viennent de franchir le même type de pas. La Californie avait porté à sa tête un homme d’affaires avisé. La France divisée vient de donner à un avocat d’affaires les clés de l’Elysée. La Californie s’était donnée à un mauvais acteur. La France vient se livrer à un magnifique acteur tant il est bonimenteur… Et j’arrête là avant de devenir insolent.
Mitterrand laissait entendre que pour être Président de la République, il faut en France avoir un lien avec la terre. Il avait lui-même ce lien charnel avec des terroirs comme la Charente, terre de Cognac, ou la Nièvre. Chirac développait des liens organiques avec la Corrèze d’où son goût pour le plancher des vaches. Giscard, lui-même, donnait au Cantal et en particulier à Chamalières ce côté chic et bourgeois.
Avec l’avènement de Sarkozy, la théorie de la terre et de l’enracinement vient de voler en éclats. La politique comme la France se sont urbanisées. On n’est plus dans le terroir. On est dans le territoire. Ce n’est plus le temps des cerises. C’est Fouquet’s, yacht et merde à la crise. Bienvenue à Auteuil Neuilly Passy. Pour la banlieue, on repassera. Et puis il y a cette indiscutable défaite de Ségolène. Plus que l’explosion en vol de l’espérance de voir une femme accéder à la magistrature suprême, c’est surtout une sévère troisième défaite successive de la gauche depuis 1995.
Incorrigibles socialistes. Comme à leurs habitudes, le soir même des défaites, ils sortent les dagues et les flingues. C’est leur côté cannibale. Hier, ils instruisaient contre leur candidate des procès en incompétence. Ils sont aujourd’hui nombreux à vouloir lui jeter à la figure l’inventaire des négligences. Fausses réponses à de fausses questions pour expliquer un revers. La cause n’est ni dans l’incompétence ni dans l’inexpérience insinuées. Autrement, il faudra nous expliquer comment un Jospin, avec ancienneté et solide expérience, n’avait même pas réussi à franchir le premier tour en 2002.
Dernier mot pour les Marocains. Il aura fallu attendre l’arrivée d’un président d’origine hongroise pour voir nommer une ministre d’origine marocaine…Ce n’est pas beau ça.