Chroniques

Label marocanité : Valeurs versus croyances

On dit, dans la théorie du big-bang, que les battements d’ailes d’un papillon à Tokyo peuvent provoquer un séisme à San Francisco. Cette métaphore de la théorie du chaos est destinée à, pédagogiquement, nous enseigner sur les liens possibles entre des faits mineurs et  les grandes incidences qu’elles peuvent avoir sur des choses qui en paraissent éloignées. Il est fort à parier que ce qui va se passer à Mayotte, collectivité d’outre-mer française à caractère départemental, située dans l’archipel des Comores, au nord-ouest de Madagascar, aura à terme des incidences sur la question de l’Islam en France.
Dans cette île de 190.000 habitants, sans compter les clandestins, se déroulera un petit référendum le 29 mars prochain. Il s’agira pour les Mahorais, habitants de l’île, de voter pour le nouveau statut qui ferait de leur îlot le 101ème département français. Le débat électoral est apparemment chaud et dansant. Mais la classe politique de l’île semble confiante. Tout indique que le oui l’emportera largement. Et jusque là, il n’y a pas de quoi fouetter un chat.
Là où il y a un os, c’est que ce petit territoire, qui a la plus forte densité des DOM-TOM avec 499 habitants au km², est constitué d’une population presque totalement musulmane. De tradition sunnite, mais colorié de croyances africaines et malgaches, l’Islam est pratiqué par 98% de la population mahoraise. Les enfants, dès leur plus tendre âge, pratiquent de manière concomitante l’école coranique et l’école primaire de la République.
La France veut bien donner à ce territoire les atouts d’un département dont l’une des prérogatives est de donner le RMI (Revenu minimum d’insertion). Elle exige cependant une adaptation des mœurs de l’île aux valeurs de la République. Le RMI, tant nécessaire dans cette contrée, a un prix : l’abandon de la polygamie, les règles de l’héritage et d’autres joyeusetés jusque là régies par le statut personnel et régentées par une armée de Cadi, sorte de vieux barbus, amené à disparaître pour laisser la place aux travailleurs sociaux et autres assistantes sociales.
Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se brise. Dans la confrontation entre la valeur républicaine et la conviction religieuse, c’est la valeur républicaine, aidée par du sonnant et du trébuchant, qui l’emportera à coup sûr sur la pratique ancestrale et religieuse. Ainsi, ce n’est pas, pour une fois, l’Islam qui va à la France. C’est la France et la République qui vont à l’Islam et le plient sous les exigences de leurs valeurs. Pour les Mahorais comme pour Henry VI : «Paris vaut bien une messe».

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