Chroniques

L’appel prophétique : De la subversion à la promesse renouvelée

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On se pose souvent la question de savoir comment lire les textes «sacrés». Rarement celle de savoir comment nous devons les «entendre», à la fois au sens de «comprendre», mais aussi au sens, strictement premier, de leur «audition». Avant d’être une religion du «Livre», l’Islam est une religion de la «Parole». Inscrite dans un texte, à lire et à interpréter, cette parole est avant tout un appel, qui a subverti le cours de l’Histoire et vient interpeller jusqu’à nos jours la conscience des croyants. Chaque lecture est une réhabilitation, actualisée, de cette parole. Et en tant que telle, elle nous sollicite, car une parole acceptée, reçue, est une parole qui lie. Et elle lie par deux aspects fondamentaux.
D’abord parce qu’elle est venue bouleverser un ordre social et politique structuré autour de trois pôles : le Roi, qui est informé et conseillé par les sages et les savants (à l’inverse, ces derniers perpétuent et sacralisent la tradition) ; le guerrier, qui défend le Roi et la patrie ; le paysan ou l’artisan, qui apportent les moyens de subsistance nécessaires à tous. Les mythes et les rites mettent en scène au niveau «sacré» ou religieux cette organisation politique et sociale. Que fait le geste prophétique ? Il vient crever la surface lisse de cet ordre terrestre bien établi : il le «retourne» en proposant une nouvelle alliance libératrice pour l’Homme.
La Méditerranée orientale a connu très tôt cette insurrection contre la légitimation «théologique» de l’exercice des pouvoirs : elle s’est attaquée aux esclavages qui asservissaient l’homme, fussent-ils le fait de rois. Ces figures de l’insurrection, on les voit avec Abraham, qui libère sa descendance contre le poids traditionnel d’une religion des pères avec laquelle il rompt en brisant les idoles ; avec Moïse, qui affronte et terrasse celui qui cristallise l’organisation du pouvoir de droit divin, Pharaon ; avec Jésus, qui convoque un nouveau peuple pour un royaume qui les libérerait de toutes les peurs. Et enfin avec Sidna Mohammed, qui appelle un nouveau peuple sans autre allégeance qu’envers son Dieu. C’est cela, l’aspect «subversif» de la prophétie entendue comme événement.
Mais il y a un autre aspect : la prophétie  est «promesse», entendue comme… parole ! Une parole venue d’ailleurs, qui libère l’Homme pour un exercice responsable de sa liberté, mais aussi et surtout une parole qui doit être sans cesse renouvelée. Tout au long de l’Histoire, des interprètes doivent clarifier cet «énoncé fondateur» pour en tirer sans cesse une orientation créatrice qui renouvelle le statut du lecteur auditeur. Le geste prophétique est alors interpellation: il «interprète» le monde autrement pour l’Homme à un moment donné, et ce faisant, il lui enjoint d’interpréter toujours lui-même ce message. Le geste prophétique ouvre une discussion, un dialogue, avec la réalité devenue autre. Le croyant est appelé à poursuivre cette discussion en répondant à l’appel. Ainsi, la subversion prophétique continue d’opérer, au lieu d’être étouffée et de mourir dans la répétition de règles apprises une fois pour toutes.

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