Chroniques

L’autre jour : Mendiante

La place où elle s’assied tous les jours (sauf les jours fériés) est toujours la même, à quelques centimètres près, sur le petit muret protégeant l’ersatz d’espace vert au pied du même immeuble. Entre elle et le bâtiment, dans son dos, trois très beaux lauriers presque toujours en fleurs. A sa droite et à sa gauche, les grappes de fleurs sont roses, sur l’arbre, juste derrière notre amie, elles sont blanches… Cela lui fait comme une auréole. Un peu plus de la quarantaine. Très menue, soigneuse de sa personne : une petite coupe sympathique et entretenue, dans les tons châtain clair, mais parfois, elle les teint carrément en rouille, vernis sur les ongles à peine décoloré, tenue une peu froissée mais proprette dans l’ensemble. Tous les matins, aux environs de 9h30 – rien ne presse – elle s’installe là, avec à ses côtés ses deux sacs, bourrés d’affaires mais correctement fermés. A peine si de l’un d’eux dépasse un parapluie, quel que soit le temps, de ceux qui ne sont pliables, donc obligatoirement encombrant. Elle restera là jusqu’aux environs de 13h30, heure à laquelle elle prend une collation et s’en va. Entre temps, elle aura eu tout le loisir de s’adonner à l’activité que tout le monde, dans le quartier, lui connaît depuis de longues années : la mendicité. On ose à peine prononcer le mot, tant il semble désobligeant dans le cas de cette personne. Mais, n’allez surtout pas la confondre avec une quelconque cloche pouilleuse. Ce n’est pas parce qu’elle semble habiter la rue qu’elle est à la merci de n’importe quel comportement. Elle, elle sait se faire respecter. Elle a souvent remis à sa place tout mâle – surtout les mâles, mais aussi les femelles qui pensent pouvoir la charrier ou la railler – en les traitant de tous les noms et en prenant à témoin résidents et passants de la rue. Elle a jeté son dévolu sur cette rue très passante. Le choix a certainement été très pesé. L’affluence, la catégorie du public, l’architecture et l’aménagement du quartier ont obligatoirement été pris en compte. L’instinct marketing, on l’a ou on ne l’a pas. Jugez-en : la proximité d’un tribunal spécialisé, donc pas pour le tout venant, un grand média audiovisuel national, un département ministériel un peu décrié dans les médias puisqu’il en est en charge, mais c’est bon pour elle : les fonctionnaires n’ont pas grand chose à faire dans les bureaux ; ils peuplent souvent les terrasses des trois cafés mitoyens. Elle aussi, elle calque ses horaires et son look sur le corpus ambiant et a mis au point une technique raffinée pour démarcher le client. Quand elle vous choisit pour vous demander à haute voix une ou deux pièces, vous devrez être fier de cette élection et ne pas décevoir.

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