Chroniques

L’autre jour : Omar

Les coiffeurs en général sont de vraies légendes. Mais Omar est une odyssée à lui tout seul. Petit, il a émigré de sa campagne natale, près de Béni Mellal, vers la grande ville où il avait une soeur mariée résidant dans un bidonville populeux. Pour lui assurer un métier, un avenir et des revenus, la soeur et son mari vont placer le petit Omar cher un barbier de leur connaissance. Grincheux, aigri, violent, alcoolique et autoritaire, celui-ci va vite dégoûter le petit apprenti et de l’ambiance qui régnait dans la petite échoppe et de la ville en général. Il va alors prendre une grande décision. À la faveur d’une nuit où le patron était particulièrement éméché, il va ranger dans une petite boîte, un rasoir, une paire de ciseaux, une tondeuse, un blaireau, un tube de pâte à raser et quelques autres petits outils de base, et se barra, sans autre forme de préavis. Direction sa région d’origine, connue en particulier pour ses souks très prospères. Cinq jours par semaine, en moyenne, deux ans durant, il va assurer sa propre formation sur le tas en devenant un vrai stakhanoviste du poil. Il acquiert ainsi une grande agilité des doigts et varia ses compétences au contact de cheveux et de têtes se surpassant les uns les autres en difficultés, en exigences et en urgence d’exécution. «Time is money» était déjà de mise. Le coiffeur, par tradition est un grand cumulard. Il assure notamment les services d’arracheur de dents, de circonciseur, de saigneur…etc. Omar aussi va se diversifier, mais pas dans ces activités traditionnelles. Maintenant qu’il est plus confiant en lui-même et qu’il a ramassé un petit pécule, il retourne en ville. Cela coïncide avec la mode des cheveux longs et de la diversification des coupes. Finies la classique boule à zéro, les coupes demi-brosse et brosse… Les cheveux longs nécessitent davantage de soins et il fut parmi les premiers à offrir toute une gamme de traitements qui vont le rendre célèbre parmi la clientèle jeune et exigeante. Mais, dans le cadre de sa diversification, il offrira aussi quelques services annexes qui lui assurent une affluence régulière. Chez lui, on peut aussi s’approvisionner en produits en tous genres qui rendent la vie plus gaie et plus plaisante. Mais là aussi, il ne restera pas à la classique barrette chocolatée ou aux petits comprimés colorés. Il fabrique l’une des eaux de vie les plus prisées, à base de figues des hauts plateaux rocailleux, les plus sucrées et qui «donnent» le mieux. A côté de tout cela, il vend surtout de l’originalité et de l’esprit. Sa meilleure : chaque soir, après dîner, il jette sa petite vaisselle à la poubelle. Quand on lui en demande la raison, il répond : comme ça, si un matin on me trouve mort, on dira: «Le pauvre, il le savait, il a tout rangé».

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