Chroniques

Le choix de Stéphane Séjourné applaudi par l’Algérie

Mustapha Tossa Journaliste éditorialiste

Pour Alger, Stéphane Séjourné va certainement continuer à la tête du Quai d’Orsay le travail de sape anti-marocain où il a excellé quand il dirigeait le groupe Renew au sein du Parlement européen.

À l’annonce de la nomination de Stéphane Séjourné au poste de ministre des affaires étrangères dans le gouvernement de Gabriel Attal, la presse algérienne est entrée dans une forme de transe diplomatique. Les commentaires et les analyses vont bon train pour souligner à quel point ce choix va dans le sens des intérêts du régime algérien et clashent ouvertement les intérêts marocains et la tendance de réconciliation pressentie récemment dans l’axe Paris-Rabat.

Cette presse algérienne, dont il est acquis qu’elle reflète avec fidélité les états d’esprit et les humeurs des multiples centres de pouvoir en Algérie, rappelle avec excitation et gourmandise le passé très anti-marocain du nouveau patron du Quai d’Orsay. Pour Alger, le choix de cet homme est un message de Paris adressé à Rabat selon lequel l’état de distance, voire de rupture entre Paris et Rabat va se poursuivre et pourquoi pas s’aggraver davantage avec un homme décrit comme portant en bandoulière le tropisme algérien d’Emmanuel Macron.

Ce bonheur algérien de voir Stéphane Séjourné occuper le poste de ministre des affaires étrangères est justifié par le fait que le régime algérien considère qu’un homme qui lui est politiquement acquis dirige actuellement la diplomatie française. Pour Alger, Stéphane Séjourné va certainement continuer à la tête du Quai d’Orsay le travail de sape anti-marocain où il a excellé quand il dirigeait le groupe Renew au sein du Parlement européen. À tort ou à raison, ces commentaires de la presse algérienne font apparaître cette perception que Stéphane Séjourné serait en fait un lobbyiste en chef des intérêts algériens en France.

D’où cette excitation collective à Alger, d’où ce sentiment de satisfaction générale comme si cette nomination était une performance diplomatique algérienne, un point marqué contre le Maroc dans le gigantesque bras de fer que se livrent les deux pays depuis des décennies.

En théorie, cette joie algérienne et ce sentiment de triomphe sont justifiés vu le pedigree de Stéphane Séjourné qui s’était distingué dans sa carrière européenne par un activisme débordant contre les intérêts et l’image du Maroc. Il était le porte-flingue français identifié pour exécuter cette campagne européenne contre le Maroc à la grande satisfaction du régime algérien qui applaudit des deux mains et souffle sur les braises.

Dans la pratique, le risque d’une grande déception algérienne n’est pas à exclure. Et ce pour plusieurs raisons. D’abord parce que la politique étrangère de la France en générale et particulièrement les relations avec les pays du Maghreb se fabriquent et s’élaborent à l’Elysée par Emmanuel Macron qui les considère comme un domaine réservé et non au Quai d’Orsay qui apparaît comme un appareil d’exécution. Ce qui veut dire que si la diplomatie française décide de continuer cette phase de gel avec le Maroc, cela serait un choix et une décision d’Emmanuel Macron et non celle de Stéphane Séjourné, nouveau ministre des affaires étrangères.

Stéphane Séjourné est un fidèle du chef d’Etat français. Il ne prendrait aucune décision qui ne soit en cohérence avec la vision de son chef. Cet état d’esprit confirme aux yeux de tous que l’activisme anti-marocain de Stéphane Séjourné contre le Maroc au Parlement européen était loin d’être une lubie ou une passion triste de Stéphane Séjourné mais bien un choix stratégique d’Emmanuel Macron, même si ce dernier s’est défendu d’avoir une quelconque influence sur les députés européens, invoquant la sacro-sainte séparation des pouvoirs. Et malgré ces données qui peuvent installer une atmosphère pessimiste dans les relations entre la France et le Maroc et donc reporter aux calendes grecques un retour à la normale , les espoirs sont permis de voir un retour de la chaleur entre ces deux pays, y compris avec Stéphane Séjourné dirigeant la diplomatie française. D’abord parce que bien avant sa nomination, Stéphane Séjourné avait tenté de se rapprocher des autorités marocaines, ensuite parce que son profil qui contient cette défiance à l’égard du Maroc lui impose un urgent exercice de vérité pour crever les abcès et repartir sur de nouvelles bases. Avec Stéphane Séjourné, aucune place à la langue de bois et au louvoiement diplomatique: ou la continuité et l’aggravation de la crise ou une grande reconfiguration des relations entre la France et le Maroc, avec bien entendu en top des priorités la satisfaction des demandes de Rabat, notamment sur le Sahara.

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