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Le Malhoun : Un art authentique marocain enfin reconnu comme patrimoine culturel immatériel de l’humanité

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Cette reconnaissance internationale consacre des siècles de tradition artistique authentiquement marocaine et récompense les efforts du Royaume pour la préservation de son héritage.

Le ministère de la culture marocain a célébré récemment la décision du Comité intergouvernemental de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l’Unesco d’inscrire le Malhoun sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. En fêtant cette nouvelle, le ministère a souligné qu’il s’agit d’une reconnaissance internationale d’un héritage authentiquement marocain qui constitue une source importante des riches traditions artistiques du pays et un élément-clé de l’identité culturelle du Maroc. «La reconnaissance internationale par l’Unesco de cette composante artistique est également une consolidation des efforts déployés par le Royaume du Maroc, sous le leadership de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu L’assiste, dans la préservation et la conservation du patrimoine culturel du Maroc», a ajouté le ministère. Samira Malizi, secrétaire générale du département de la Culture, a exprimé sa satisfaction face à la décision du comité d’inscrire le Malhoun sur la liste du patrimoine culturel immatériel. Elle a rappelé que le Malhoun est une forme d’art présente dans diverses régions du territoire national marocain et qu’il constitue un symbole fondamental du patrimoine culturel marocain. Le Malhoun, expression poético-musicale séculaire du Maroc, vient de se voir honorer par son inscription sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’Unesco. Cette reconnaissance internationale consacre des siècles de tradition artistique authentiquement marocaine et récompense les efforts du Royaume pour la préservation de son héritage.

Berceau du Malhoun 
Le Malhoun trouve ses origines au 13ème siècle dans la région du Tafilalet, au sud-est du Maroc. C’est au sein des zaouïas, écoles coraniques de la région, que cette forme d’art vocal s’est développée avant de se répandre progressivement dans les grandes villes impériales du pays : Fès, Meknès, Marrakech et Salé. Ce sont surtout les guildes d’artisans de ces cités qui l’ont adopté et perpétué.

Richesse des influences 
Expression de l’âme marocaine, le Malhoun conjugue diverses influences venues enrichir la culture nationale. On y retrouve des traces de l’héritage arabo-andalou, des sonorités amazighes et subsahariennes. La poésie du Malhoun puise dans le soufisme mystique tout comme dans la tradition populaire. Ses thèmes sont variés : éloges du Prophète et des saints, chants d’amour, de vin ou de la nature, satires sociales.

Une tradition orale
Transmis oralement de maître à disciple, le Malhoun se caractérise par sa versatilité et sa capacité d’adaptation. Ses poètes-interprètes, les mqaddem, sont à la fois compositeurs, chanteurs et improvisateurs. Ils personnifient la mémoire vivante de ce patrimoine et le font constamment évoluer au gré de leur créativité.

Des confréries soufies aux cours royales 
Si le Malhoun plonge ses racines dans les rituels soufis et la dévotion populaire, il s’est aussi historiquement illustré dans les cours royales. Dès le 15ème siècle, les Chorfa Saadiens accueillent à leur palais des séances de Malhoun. Cette tradition perdurera jusqu’aux Alaouites qui feront de cet art vocal une composante essentielle des cérémonies officielles.

Résistance culturelle 
Au 20ème siècle, le Malhoun a servi de fer de lance à la résistance culturelle contre le protectorat franco-espagnol. Ses poèmes engagés et patriotiques ont galvanisé le peuple marocain. Aujourd’hui, le Malhoun demeure profondément ancré dans l’identité nationale et continue de nourrir la scène artistique contemporaine.

Instruments traditionnels 
Chaque troupe de Malhoun est constituée d’une dizaine de musiciens-chanteurs et de quelques instrumentistes. La kamanja (vièle marocaine), le luth oud et le tambour sur cadre taarija forment le trio instrumental caractéristique, auquel viennent souvent s’adjoindre le violon, le banjo, la darbouka ou le bendir. La puissance évocatrice de ces instruments accompagne merveilleusement le chant déclamé.

Une scénographie codifiée 
L’apparat visuel fait partie intégrante du spectacle de Malhoun. Les chanteurs portent le costume traditionnel marocain avec sa djellaba, son fez rouge et ses babouches. Un décorateur brûle des encens et diffuse ainsi parfums envoûtants et volutes de fumées. Tout est pensé pour immerger l’auditoire dans une atmosphère propice au rêve et à la contemplation.

Rituels de l’écoute 
L’écoute du Malhoun obéit à un cérémonial précis. Elle se fait toujours collectivement, en présence d’un public restreint et averti. On sert le thé à la menthe et les pâtisseries dans une ambiance feutrée. L’assistance est assise en demi-cercle, surroundant les chanteurs. Le temps se suspend alors pendant de longues séances nocturnes qui mènent les aficionados vers une transe mystique.

Des maîtres et des œuvres intemporelles 
De nombreux maîtres du Malhoun ont marqué l’histoire de cet art vocal. Parmi les plus grands poètes du Malhoun, que l’on nomme les «maîtres» ou les «doyens» de cet art, citons Thami El Madghari, Sidi Kaddour Alaoui, Jilali Mterid, Mohamed Ben Ali Ould Errezii, Mohamed Ben Suleiman, Ahmed El Gherbli, Mohamed El Gendoz, Driss Ben Ali et Houcine Toulali. Quant aux poèmes les plus célèbres du répertoire, ils ont traversé les âges sans prendre une ride. La qasida « Ya Naker L’hsane » demeure un monument du genre avec ses strophes douloureuses implorant la pitié de l’être aimé.

Une tradition bien vivante 
Grâce aux efforts du ministère de la Culture et des acteurs associatifs, le Malhoun continue d’être enseigné aux plus jeunes générations. Le Maroc compte aujourd’hui une trentaine de troupes qui font vivre cet art ancestral en le produisant sur scène lors de spectacles et de festivals. Des colloques universitaires sont également organisés pour analyser l’apport du Malhoun dans la culture populaire marocaine.

Consécration Unesco
L’inscription du Malhoun au patrimoine culturel immatériel de l’humanité vient donc saluer une tradition artistique profondément enracinée en terre marocaine. Elle récompense des siècles de transmission orale assurée par les guildes citadines et confréries mystiques. En sacralisant le Malhoun, l’Unesco reconnaît toute la richesse de cet art total mêlant musique, poésie chantée, danse et rituels. Le Maroc se voit ainsi gratifié d’une fabuleuse vitrine pour faire rayonner aux quatre coins du monde ce joyau de son patrimoine ancestral.

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