Chroniques

Le renseignement extérieur, c’est l’art de négocier

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Si le Maroc est réputé être un pays stable, politiquement et socialement, c’est, en grande partie, grâce à l’efficience du renseignement, autant intérieur qu’extérieur.

Avec plus d’un demi-siècle d’existence, la Direction Générale des Etudes et de la Documentation (DGED) est le service de renseignement extérieur qui est, jusqu’à présent, peu connu du grand public. Il s’agit, si l’on puisse dire, d’une administration qui préfère opérer dans le silence absolu. Le renseignement extérieur a été longtemps considéré comme l’apanage des militaires, ce qui n’est pas le cas.

Dans notre société, parler des services de renseignement fut un sujet tabou alors que de nos jours, l’ambition de la plupart des pays est de contribuer à la structuration du champ d’étude sur le renseignement, en le décloisonnant vers un lectorat toujours plus large (universitaires, journalistes, diplomates, personnalités du monde politique, juges, avocats, militants des droits de l’Homme, hommes d’affaires,…). L’intérêt serait de constituer un vivier d’experts en renseignement qui pourront apporter une plus-value considérable à la définition de l’architecture nationale du renseignement et à une opérationnalisation efficace de la répartition des tâches.

L’importance de la dimension humaine
Le renseignement extérieur ou stratégique est, en grande partie, constitué par les activités des officiers et agents travaillant en territoire étranger pour protéger la souveraineté de l’Etat ou son potentiel économique. Il s’agit également de préserver les intérêts nationaux suprêmes, en informant la plus haute hiérarchie de toutes manœuvres de sabotage ou de menaces pouvant porter préjudice au pays. En décryptant des questions complexes et en identifiant des problèmes potentiels ou naissants avant qu’ils ne s’aggravent, le renseignement extérieur se doit d’informer, continuellement, les décideurs sur les transformations du monde contemporain, tout en les guidant dans leurs réflexions stratégiques.

Depuis quelque temps, des critiques intenses dans les réseaux sociaux viennent discréditer le fonctionnement de cette administration, en avançant, notamment, que le renseignement extérieur n’est pas à la hauteur des ambitions stratégiques et géostratégiques du pays et que sa gestion n’est plus entre de bonnes mains. A vrai dire, qu’on l’accepte ou non, le renseignement extérieur marocain, malgré une rude compétition entre les Etats à l’international, est bien coté pour trois principales raisons : être souvent sollicité par ses homologues étrangers, offrir une riche palette de formations de pointe en renseignement aux pays amis, fournir conseil et assistance à la diplomatie marocaine. Cette dernière mission a toujours été concluante parce que c’est grâce à cela que la politique étrangère a gagné en expérience et en capacités. Cette réussite n’aurait jamais pu être atteinte sans la présence d’un bon service de renseignement extérieur. A vrai dire, le système est bien huilé, rodé et parfaitement solide, garantissant une bonne manière de procéder. Il ne faut pas non plus oublier que si le Maroc est réputé être un pays stable, politiquement et socialement, c’est, en grande partie, grâce à l’efficience du renseignement, autant intérieur qu’extérieur.

Pour maintenir sa bonne réputation, le renseignement extérieur se doit d’accorder une grande importance au recrutement de ses ressources humaines car malgré l’automatisation et les développements des différentes techniques de renseignement, la dimension humaine restera la clef de voûte de son travail, de son plan stratégique, de son action sur le terrain et de toutes ses activités opérationnelles. Prenons à titre comparatif l’exploit de l’équipe nationale de football lors de la Coupe du monde 2022 et aux Jeux olympiques 2024 qui resteront dans les annales du football international : le secret, c’est d’avoir réussi à former une équipe gagnante, en choisissant les bonnes personnes, en les réunissant et en les motivant autour d’un ambitieux projet stratégique – basé sur un sens élevé de patriotisme, du devoir et d’une manière responsable – ce qui a permis de faire hisser le drapeau marocain dans les hautes sphères de décision sportives. Par analogie à l’exemple précité, le renseignement extérieur, pour se maintenir dans un haut niveau, a la responsabilité de recruter des personnes possédant les aptitudes et compétences appropriées et fidéliser celles qui sont déjà enrôlées pour former une équipe potentiellement gagnante et la rendre encore meilleure demain.

Le renseignement extérieur pour la paix
Si quelques-uns ont connaissance de l’existence de la DGED, la plupart ignorent son rôle de premier plan dans les succès diplomatiques. En effet, le renseignement assume assez souvent une fonction de validation, en vérifiant la réalité des intentions des Etats en matière d’engagements diplomatiques. Agissant en patriote orienté vers l’avenir, je ne suis mandaté par quiconque pour prendre position sur la légitimité, l’efficacité et la responsabilité de cette Institution.
Cela ne veut pas cependant non plus dire qu’il n’y a pas d’amélioration à faire. A quoi il faut vraiment faire attention aujourd’hui, c’est de s’assurer que l’amélioration du rendement dans le renseignement ne se fait pas au détriment du rendement dans d’autres domaines ou inversement. Prenons l’initiative sage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu L’assiste, qui a accordé la grâce à des détenus d’opinion ; une décision fort louable qui a évidemment fait gagner beaucoup de points dans le dossier des droits de l’Homme du Maroc.

Dans ce même sillage, le renseignement extérieur pourrait remplir un rôle déterminant pour mener des discussions concluantes avec des opposants politiques exilés à l’étranger qui ne cessent de critiquer la politique de l’Etat. Une telle initiative permettrait au Royaume de gagner la confiance et le soutien de personnes disposant d’un important potentiel intellectuel et d’atouts non négligeables en matière d’analyse, de communication et d’allocutions, à mettre au service de l’Etat. Ce qui éviterait à tout un chacun de ternir, d’une manière ou d’une autre, l’image du Maroc à l’international. Bien entendu, on ne peut satisfaire tout le monde et «il ne faut pas perdre son temps à avancer des arguments de bonne foi face à des gens de mauvaise foi» comme disait feu Hassan II.

Toutefois, pour ceux qui l’ignorent, le Marocain est généralement une personne reconnue pour son amabilité, sa tolérance, son grand cœur et son amour indéfectible pour sa patrie.
Il suffit donc de désigner les bons interlocuteurs et négociateurs pour régler, de manière définitive, les faux malentendus avec une poignée de citoyens qui – in fine – appartiennent à une même et grande famille qu’est le Royaume du Maroc. Ce n’est pas n’importe qui qui peut convaincre : cela demande beaucoup de tact, de soin et de finesse, avec une habile compréhension des besoins de l’autre et une restauration de la confiance. Cependant et il faut le souligner: «négocier est l’art du compromis, négocier n’est pas l’art de l’imposition». Autrement dit, tout dialogue réussi doit se faire dans un esprit de consensus et de compromis constructifs, sur la base de l’intérêt du pays et non des intérêts personnels ou particuliers.

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