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Le rôle crucial des femmes philosophes marocaines

© D.R

On ne peut dresser la liste, plus ou moins exhaustive, de la pensée marocaine, sans parler du grand rôle joué par les philosophes femmes marocaines qui ont marqué l’histoire des idées non seulement au Maroc, au Maghreb et dans le monde arabe, mais également dans une approche plus universelle de la pensée humaine en se penchant sur des sujets à la fois forts et toujours actuels tels que la condition des femmes dans le monde, les libertés individuelles, l’émancipation sous toutes ses ramifications, l’indépendance mentale, psychologique et physique des femmes, la volonté de participer à l’édification d’une société bâtie sur des valeurs humaines inaliénables, la parité, l’équité, la justice sociale, la représentativité politique, le droit à l’action citoyenne, et l’égalité des chances, entre autres thématiques brûlantes qui ont toujours droit de cité au Maroc, et plus globalement dans un monde de plus en plus clivé, de plus en plus instable et rétrograde.

Si ce souci humain a été porté avec profondeur et une grande audace par Fatima Mernissi, auteure entre autres ouvrages de référence de «Sultanes oubliées», «Rêves de femmes» ou encore l’excellent «Le harem politique», il faut aussi dire que d’autres femmes ont balisé les voies d’une pensée marocaine féminine de grand acabit. Nous pensons à une grande chercheuse comme Hourya Benis Sinaceur, spécialiste reconnue d’histoire et de philosophie des mathématiques et de la logique modernes et contemporaines dont les travaux apportent de nouveaux éclairages sur notre histoire humaine en relation avec la raison et la logique comme deux postulats philosophiques incontournables pour appréhender le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui.

Une scientifique et philosophe dont les travaux demeurent, malgré tout, méconnus au Maroc, alors qu’en Europe son nom figure parmi les intellectuels les plus respectés aujourd’hui. C’est aussi le cas de nombreuses femmes qui ont pris sur elles de penser la société dans laquelle elles évoluent avec un œil critique, au-delà de tout compromis et de toute compromission. Nous pensons à des figures comme Aicha Belarbi, sociologue et auteure de renom, avec qui j’ai pu partager une rencontre dédiée à l’équation de l’identité marocaine, entre tradition et modernité. Nous sommes là face au parcours honorable d’une professeure émérite de l’Université Mohammed V de Rabat, à la fois sociologue, écrivain, expert auprès des Nations Unies et d’autres organismes nationaux, régionaux et internationaux sur les questions relatives à l’éducation, la femme, le genre, le dialogue des cultures, la migration. Cette chercheuse assidue est aussi activiste en matière de démocratie, des droits humains, et des droits des femmes. Elle a également occupé les postes de secrétaire d’État à la coopération, d’ambassadeur du Maroc auprès des Commissions européennes, et de commissaire au sein de la Commission mondiale sur les migrations internationales.

Nous pensons aussi à des figures comme Zakya Daoud qui, en tant que journaliste, a observé, pendant une trentaine d’années, la vie politique du Maroc, avec un esprit critique et sans complaisance. Cette activiste acharnée a fondé en 1966 la revue «Lamalif», une expérience intellectuelle presque unique dans l’histoire de la pensée et des idées au Maroc, avec des analyses audacieuses et pointues touchant tous les domaines de la vie marocaine. Nous pensons également à une figure importante comme Zakia Zouanat, anthropologue et chercheuse à l’Institut des études africaines, de l’Université Mohammed V de Rabat depuis 1990. C’est une femme qui a longuement travaillé sur le patrimoine soufi du Maroc et sur ses prolongements dans le monde.

Malheureusement, elle nous a quittés très jeune, à l’âge de 55 ans, en 2012.
Des visages comme ceux cités dans ce texte sont nombreux, mais ils demeurent toujours méconnus au Maroc, en l’absence d’un intérêt sérieux pour les travaux de toutes ces femmes qui incarnent la lutte et le combat pour les libertés, pour les mutations sociales et pour des valeurs humaines universelles inaliénables. On le voit, depuis plusieurs années, le goût des lettres et de la philosophie a perdu de sa force, consacrant à la fois l’ignorance et la médiocrité en faisant l’impasse sur l’héritage fabuleux de toutes ces femmes marocaines qui ont dédié leurs vies à la pensée, à la société, dans une approche philosophique à la fois novatrice et inédite dans ce Monde Ara, toujours en proie à la perdition traînant des archaïsmes assassins qui ont toujours droit au chapitre.
D’où la nécessité aujourd’hui de revisiter le travail de toute cette intelligence féminine marocaine pour essayer d’être en phase avec notre époque, dans ses profondes mutations.

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