Chroniques

L’état satisfaisant des relations Maroc–France : Une énigme amusante

© D.R

Ce dossier (Maghreb) fut mal géré par le palais de l’Elysée alors que la plupart des intérêts économiques de la France en Afrique se situent au Maghreb.

Malgré de vives tensions, Rabat a maintenu et maintient toujours des relations diplomatiques, culturelles et économiques avec Paris.
Personne (des deux pays) ne savait, à aucun moment, comment les choses allaient évoluer. Jusqu’à cette heure, rien n’est vraiment sûr, mais il semblerait que les choses finiront par rentrer dans l’ordre. L’on entendait souvent dire dans les milieux diplomatiques et universitaires que la politique maghrébine d’Emmanuel Macron ressemblerait à un tourbillon, poussé d’un côté puis de l’autre par les émotions et les peurs dictées par une sortie expresse de la France du Maghreb.

A vrai dire, ce dossier (Maghreb) fut mal géré par le palais de l’Elysée alors que la plupart des intérêts économiques de la France en Afrique se situent au Maghreb. D’ailleurs, un tout récent rapport français de la mission d’information parlementaire sur les relations entre la France et l’Afrique, présenté le 8 novembre courant en commission des affaires étrangères, épingle la politique africaine de la France. Il y est souligné que : «Toutes les grandes puissances actuelles bâtissent des politiques africaines, de la Chine aux États-Unis, en passant par la Russie, la Turquie, le Maroc et les pétromonarchies du Golfe arabo-persique». C’est tout à fait vrai. Puis quand nous parlons d’Afrique, c’est par le Maroc qu’il faut commencer, en tant que principale porte d’entrée de l’Afrique et pont entre l’Afrique et l’Europe. Cette position privilégiée se renforce de jour en jour, grâce à la vision éclairée et avant-gardiste de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu L’assiste, qui ne cesse de charmer et d’étonner les plus grands stratèges du monde. Juste à titre d’exemple, le Souverain vient de consacrer la réorientation stratégique du Royaume vers son versant atlantique : une manière d’asseoir davantage son leadership africain. Cela sous-entend que le continent africain a subi une transformation géostratégique majeure, évoluant d’une position attentiste vers une mise en place dynamique du développement de l’Afrique. Moins d’une semaine de la présentation du rapport susmentionné, il s’ensuivit (fruit du hasard ou réaction à ce rapport?) – le 13 novembre 2023 – une sortie médiatique de l’ambassadeur de France au Maroc qui fait acte de contrition par rapport à deux questions fort importantes : la politique de restriction des visas et le plan d’autonomie marocain pour le Sahara.

Pour ce second point qui est d’ailleurs la principale source de mésentente, Christophe Lecourtier réaffirme, lors de son interview accordée à Radio2M, le soutien «historique» de la France à ce sujet. Jusque-là, les choses semblent aller vers le bon sens, surtout qu’il y a un mois (19 octobre 2023), le Souverain avait nommé Samira Sitail en tant que nouvelle ambassadrice à Paris, un poste qui était vacant pendant neuf mois (la vacance de ce poste n’était pas fortuite car le jour même de la fin de la mission de l’ex-ambassadeur marocain, le Parlement européen avait adopté un texte défavorable au Maroc – dit-on – fortement appuyé par la France.

Les prémices d’une prise de conscience par Macron de la marocanité du Sahara ?

Puisqu’il n’est jamais trop tard pour bien faire, Emmanuel Macron devrait de sitôt se prononcer, officiellement, en faveur du plan d’autonomie marocain, en tant que base à une solution sérieuse et crédible.

Aussi et pour être juste à l’égard de l’actuel président français, il faut reconnaître que sa position vis-à-vis de la question de la marocanité du Sahara n’est ou n’était qu’un triste héritage du passé où l’aristocratie et l’élite françaises avaient peur des décisions démocratiques des deux peuples maghrébins, laissant traîner pendant des décennies dans les archives un conflit fictif (celui du Sahara) pour en faire une sorte de contrepoids. Ça a plutôt bien marché jusqu’à ce que le Maroc devienne un poids lourd des relations internationales, un pays partenaire fort et crédible sur tous les plans, au regard du monde entier. Avec du recul, on se rend compte que la quasi-majorité de ses prédécesseurs adoptaient – en tous les cas lors de l’exercice de leurs mandats présidentiels – des positions obscures, en toute courtoisie, dans le respect et sans froisser quiconque d’une manière ou d’une autre. Autrement dit, Macron ne fait ou ne faisait que suivre des politiques historiques. Au fait, «contrairement à ce que beaucoup pensent, les décisions personnelles sont relativement très rares. Les auteurs n’en relèvent que deux : celle de Louis XIV de fixer la résidence de la royauté à Versailles et celle du général De Gaulle de lancer l’appel du 18 juin (1)».

Là n’est pas la question car le plus important aujourd’hui, c’est d’avoir une politique claire, de prendre une position ferme, définitive et sans ambiguïté vis-à-vis d’un sujet qui est, pour ainsi dire, presque résolu par les Nations Unies, en faveur du Maroc. Il s’agit ici d’une question de fond qu’il faudrait trancher par le président en personne, du moment où c’est bien lui qui exerce la plus haute fonction du pouvoir exécutif de la République française.

La France est-elle enfin prête à reconnaître la marocanité du Sahara ?

L’erreur reprochée à la France par des experts en science politique est le fait qu’elle n’a pas vraiment tenu compte du changement accéléré des paradigmes qui régissent les relations internationales et qu’elle n’a pas non plus pris au sérieux le discours de SM Le Roi Mohammed VI, prononcé à l’occasion du 69e anniversaire de la Révolution du Roi et du Peuple. Une allocution au cours de laquelle le Monarque rappelle la place centrale qu’occupe la question du Sahara pour le Maroc, énonçant qu’il s’agit d’une ligne rouge à ne plus franchir. Le Souverain sensibilise ses partenaires stratégiques – dont bien entendu la France, même si celle-ci n’a pas été citée nommément – à sortir de leur «zone grise» pour mettre fin à ce différend, à travers le plan d’autonomie du Sahara marocain.
Ce n’est pas un hasard si la majorité des pays européens – voire la plupart des Etats membres de l’ONU – ont adhéré à la proposition du Royaume, convaincus que le Sahara est une partie inaliénable du territoire marocain. Pourtant la France, en tant que pays européen, connaissant mieux que quiconque, historiquement et juridiquement, la réalité des choses, dispose de l’ensemble des arguments nécessaires à la défense de la pleine souveraineté du Maroc sur ses provinces du Sud et que c’est une question qui n’est aucunement négociable.

Un nouvel appel (2) à Monsieur le Président pour rétablir la confiance dégradée entre le Maroc et la France et éviter un risque de contagion accru sur le continent africain.

(1) Les grandes décisions de l’histoire de France, Sous la direction de Patrice Gueniffey & François-Guillaume Lorrain Jean Magimel, Dans Paysans & société 2019/1 (N° 373), pages 47 à 52.

(2) https://crivaps.blogspot.com/2023/09/lettre-ouverte-emmanuel-macron-une.html

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