Chroniques

Lettre de Marrakech : Thomas Schühly, un grand producteur à Marrakech

© D.R

Marrakech, ville touristique internationale devient depuis quelques temps un lieu de tournage de grandes productions cinématographiques. A l’occasion du 3ème Festival international du film à Marrakech (3-9 octobre 2003), j’ai eu le plaisir de rencontrer Thomas Schühly, producteur du film «Alexandre le Grand» que réalise Oliver Stone, objet d’un précédent article. Cette personnalité allemande est un homme très discret, aimable, parlant plusieurs langues dont le latin, l’allemand, l’anglais, le français et l’italien entres autres… mais bientôt l’arabe. Au début, on est étonné de rencontrer chez cet homme une forte culture de la civilisation arabo-musulmane allant jusqu’à lire le Coran. Il serait donc intéressant de présenter T. Schühly au public marocain et parler de son parcours fabuleux, qui des études de droit, vont le mener au théâtre et au cinéma. Il est actuellement à Marrakech pour son film mais aussi pour plusieurs projets futurs chez nous et ailleurs. Thomas Schühly, allemand est né le 20 septembre 1951 à Karlsruhe en Allemagne. Issu d’une grande famille d’industriels puisque Paul, son père, était P-DG de la société VEBA, une grande entreprise industrielle spécialisée dans plusieurs domaines, particulièrement celui de la chimie. Sa mère, Nina, une femme au foyer qui a eu quatre enfants : Monique, l’aînée suivie de Thomas, Claude et André. La famille Schühly très catholique devait destiner Thomas aux ordres des Jesuites si ce n’est l’intervention de la maman laissant libre choix au fils. Après des études primaires à Bochum dans la région houillère de la Rhur, Thomas sera ensuite au lycée d’Etat de la même ville pour avoir son baccalauréat en 1970 à l’âge de 18 ans. Il se dirigea ensuite à l’université de Perrugia en Italie pour faire et finir ses études de droit international. Une fois diplômé, Thomas un grand sportif surtout dans le domaine des arts martiaux : boxe, karaté et judo et surtout pour gagner sa vie, se fait embaucher par l’université de Bochum pour donner des leçons de ces sports. Signalons au passage que Thomas Schühly s’est marié à une italienne de Rome : Irma Orsilli, en 1985 et avec laquelle il a eu deux enfants âgés aujourd’hui de 17 ans (Mario) et de 15 ans (Laura). Séparé de son épouse, il est fiancé actuellement avec Fatiha, une Marocaine de Rabat dont il parle avec amour et respect. La vie artistique de Thomas va commencer en fait vers 1975 quand il va rencontrer un metteur en scène juif: Peter Zadek qui était chef de théâtre et metteur en scène s’intéressant à des grands auteurs comme Ibsen, Goethe mais surtout Shakespeare. Thomas va le seconder dans son travail comme assistant et aujourd’hui il déclare qu’il y a deux grands auteurs dans la culture en général : Shakespeare et Homère. Avec cette expérience à Berlin, Hambourg et Paris, Thomas va rentrer dans le métier. Trois ans plus tard, en 1978, il rencontre un des plus grands metteurs en scène allemands de tous les temps : Rainer-Werner-Fassbinder, décédé en 1982. Il va l’assister et apprendre le métier avec ce grand du cinéma qui a réalisé d’énormes films comme : « Le mariage de Maria Braun » avec Hanna Schygulla, vivant toujours aujourd’hui à Paris. Ensemble, ils vont vivre la réalisation de « Berlin Alexander platz » une production de 16 heures. Pour cette réalisation, Francis Coppola avait payé à New York la synchronisation et son père Carmine auteur de la musique du film, « Le parrain » a dirigé l’orchestration. Ensuite vient le film «Lola» tourné à Munich avec Barbara Sukova et qui était un « remake» du film « L’âge bleu » avec Marlène Diettich. Actuellement Sharon Stone est en train de faire un second « remake » du même film. Ensuite vient le film « Lilie Marleen », histoire d’une chanteuse pendant la Seconde Guerre mondiale et dont une chanson du film est devenue le refrain fredonné par tous les soldats allemands. Le film « Veronika Voss », la plus grande production de Rainer-Werner-Fassbinder, a reçu « L’ours d’or » au Festival de Berlin, pour cette histoire émotionnelle de femmes, cette actrice qui finit sa vie, droguée, donc avec un destin horrible. En 1984, la vie de Thomas Schühly va connaître un tournant décisif dans sa carrière à savoir qu’il va être nommé directeur de la plus grande maison de production et distribution de films en Allemagne : «Constantin film», créée il y a plus de quarante ans. Pour notre information, la maison « Tobis » est la seconde dans ce pays. Il travaillera dans cette grande maison, qui est l’équivalente de la maison Pathé en France, pendant environ trois ans avant de procéder encore à un changement dans sa vie professionnelle en allant travailler à Rome chez «Cinecitta» comme producteur de films, là où la carrière de Thomas va se préciser. La production cinématographique de Thomas Schühly donnera des grands films dont les principaux sont: – « L’As des As » avec J. Paul Belmondo, « Le nom de la rose », avec Sean Connery, fameux acteur des James Bond, « Les aventures du Baron Muchenausen », un film célèbre réunissant Uma Thruman, Sting et Jonathan Price avec une mise en scène du célèbre Terry Gilliam, « La Révolution française », film qui a coûté plus de 100 millions d’euros avec Peter Ustinov et K.M. Brandauer. Thomas, me disait: «Un film raté, moins réussi parce que les producteurs français actuels sont pathétiques et manquent de talent » pour raconter dans la langue du cinéma. Il continue en me disant: «Le cinéma français a connu sa gloire avec des grands producteurs créatifs, entreprenants et talentueux comme Alexandre Mnouchkine (décédé), Serge Sielberman (vivant encore), Alain Poiré et le regretté Dorfman. – « Triumph of love », film de Bernardo Bertolucci, un des plus grands réalisateurs mondiaux selon notre ami Schühly, car il détient le record des oscars (onze) et notamment pour son film « Le dernier empereur ». – « Alexandre le Grand », en tournage aujourd’hui entre Marrakech, sa région et Essaouira, est un film que réalise le grand Oliver Stone avec des grands acteurs comme Colin Farell, Angelina Jolie et Val Kilmer. Thomas Schühly, son producteur, m’expliquait que ce film n’aurait pu être tourné sans l’aide de SM le Roi Mohammed VI, notre grand Roi et aussi SAR le Prince Moulay Rachid. Au Maroc, une grande partie sera tournée, comme la conquête de la Perse, la prise de Babylone et surtout l’enfance d’Alexandre en Macédonie, en Grèce, rôle tenu par un jeune new-yorkais de onze ans qui s’entraîne dur ici à Marrakech pour des scènes physiques sur le cheval et le maniement de l’épée. Le tournage a commencé le 22 septembre 2003. Le reste du film sera tourné, pour les scènes intérieures, aux studios de Londres et pour la bataille des éléphants, en Thaïlande, Thomas me disait : « Tout le film aurait pu être tourné au Maroc, mais il n’y a pas de grands studios et aussi pas d’éléphants, le Maroc peut recevoir le tournage de n’importe quel film car il y a la richesse du paysage». « Ce qu’il faut dans votre pays ce sont des grands plateaux de tournage ». Il me parle de Sarim Fassi Fihri qui peut réaliser cela car il est intelligent et honnête. Il a des studios à Casablanca très sophistiqués mais pas assez grands. En tous les cas je l’aime bien et sera le distributeur de notre film «Alexandre le Grand». Mr Schühly, pour le film «Alexandre», pourquoi Oliver Stone comme réalisateur ? «J’admire surtout son courage exceptionnel (un Oscar Wild luttant contre l’hypocrisie américaine), son talent narratif traditionnel (un W. Sheakspeare) et sa force visuelle (comme le peintre Caravaggio !!). « Contrairement au cinéma européen, bourgeois et intellectuel, l’américain traite avec force tous les sujets avec une âme populaire qui va droit au coeur du spectateur. Avec O. Stone on tombe dans lignée de ces réalisateurs populaires et non intellectuels ». Dans les projets de Thomas Schühly, il y a prochainement le tournage du film : « L’empereur Frederic II et Saladin » (12ème siècle) avec le réalisateur Milos Forman. A ce moment de notre discussion, Thomas me précise que les Arabes dominaient le monde entre le 8ème et le 12ème siècle. C’étaient les philosophes, les mathématiciens les érudits, les scientifiques et les médecins. Ils ont traduits Aristote et Platon et d’autres mais les travaux originaux ont disparu si bien que les Européens étaient obligés de traduire tout cela dans leur langue à partir de l’arabe. « Les Arabes n’ont pas conscience, dit-il, de leur richesse intellectuelle, de leur art. Haroun Errachid était un grand sponsor de la musique de la poésie, de la peinture et tout a sombré avec Saladin ». Bagdad était le New York d’aujourd’hui artistiquement et intellectuellement parlant. Les empereurs allemands étaient fascinés par les Arabes et Frederic II a terminé les Croisades avec Saladin. Aujourd’hui, les deux cultures peuvent vivre ensemble et se donner mutuellement sans problème contrairement à ce que beaucoup prétendent. Il faut faire renaître cette conscience chez les Arabes et faire renaître leur grandeur. En ce qui concerne Marrakech, Thomas Schühler a une idée en tête, c’est celle de créer à Marrakech un parc cinématographique comme celui de Hollywood pour en poser les décors de films : « Alexandre », des anciens films et les futurs. Il sera aussi un lieu imaginaire pour les petits et grands avec des scènes à effet spéciaux. Thomas, on le sent, est un amoureux de Marrakech et du Maroc. Il me dit : c’était pour moi en 2001 le coup de foudre, l’amour immédiat, j’aime l’âme méditerranéenne des Marocains, leur grande sensualité, leur joie de vivre, leur esprit d’humour et leur grand talent artistique. Je suis impressionné par le grand courage de SM le Roi Mohammed VI, sa sagesse et sa bonne vision moderne du Maroc et du monde et pour moi, je le considère comme mon grand support. Je n’oublie pas la sympathie et l’engagement d’un homme cultivé, intelligent et simple, SAR le Prince Moulay Rachid ». Et Marrakech, Herr Thomas Schühly, qu’en pensez-vous ? « Ah, Aziz tu as la chance de vivre ici, à Marrakech, le coeur sensuel et artistique du Maroc. Oliver Stone et moi-même sommes tombés tout de suite amoureux de cette ville enchanteresse et magique. Une ville qui fait rêver et fait vivre les mille et une nuits ». Ja, her Schühly, on est bien d’accord avec vous.

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