Chroniques

L’extrême droite caracole en tête des sondages en France

Mustapha Tossa Journaliste éditorialiste

L’extrême droite, incarnée par Jordan Bardella, semble avoir le vent en poupe. Il est difficile de faire la part des choses de cette potentielle victoire entre la prestation personnelle de Jordan Bardella dont le charisme personnel a rompu avec le rejet endémique de la famille Le Pen et la faiblesse des autres listes travaillées par les divisions.

 

Pas un sondage ne sort ces derniers temps sans qu’il annonce une performance historique de l’extrême droite aux prochaines élections européennes. Pire, l’écart avec les autres partis politiques est tellement large qu’il donne à cette compétition électorale un air de promenade de santé pour le parti de Marine Le Pen et de Jordan Bardella.
Ces sondages installent une étrange atmosphère en France. Comme si le pays s’apprête inévitablement à confier son destin pour la première fois à l’extrême droite, faisant du Rassemblement National non seulement un parti dominant, mais la seule force capable de porter une dynamique nouvelle.
Par réalisme politique, de nombreuses voix appellent à ne pas tomber victime de possibles illusions d’optique politiques. Combien de fois des instituts de sondage se sont lourdement trompés dans leurs prévisions. Récemment avec l’extrême droite justement, une monumentale erreur d’appréciation a été commise avec les prévisions autour du parti Reconquête d’Eric Zemmour. Les instituts de sondage prévoyaient à son parti et à lui-même de belles performances avant que sa démarche ne se dégonfle, montrant un gigantesque hiatus entre une perception médiatique et une réalité électorale.
Mais aujourd’hui l’extrême droite, incarnée par Jordan Bardella, semble avoir le vent en poupe. Il est difficile de faire la part des choses de cette potentielle victoire entre la prestation personnelle de Jordan Bardella dont le charisme personnel a rompu avec le rejet endémique de la famille Le Pen et la faiblesse des autres listes travaillées par les divisions.
Dans cette compétition, le camp d’Emmanuel Macron a joué de malchance et de mauvaises lunes. Après avoir trop tardé à choisir une tête de liste capable d’incarner la dynamique présidentielle, donnant cette impression que les enjeux européens ne figuraient pas parmi les priorités françaises, Emmanuel Macron fut acculé à prendre Valérie Hayer comme tête de liste. Malgré ses efforts, elle donne l’impression d’être une incontestable erreur de casting. Son dernier débat en tête-à-tête avec la tête de liste de Reconquête Marion Maréchal a fini par convaincre de la faiblesse de son offre et de sa prestation. Malgré la grande mobilisation des ministres du gouvernement Attal, la liste Renaissance ne parvient pas à monter dans les sondages et sa tête de liste Valérie Hayer peine à s’imprimer dans les opinions.
Les partis de gauche ont aussi une responsabilité certaine dans la grande distinction de la liste de Jordan Bardella. Leur incapacité à maintenir une dynamique unitaire fait qu’ils envisagent ce scrutin en ordre dispersé. En réalité, chaque composante de cette gauche considère ce scrutin européen comme une sorte de test grandeur nature pour une sélection des candidats à la prochaine présidentielle. Aussi bien La France insoumise de Jean Luc Melenchon que les socialistes représentés par Raphaël Glucksmann perçoivent ces élections européennes comme une manière d’asseoir leur domination sur l’ensemble de la gauche pour pouvoir le moment venu la représenter dans la course présidentielle.
Dans l’absolu les scores promis par les sondages à l’extrême droite sont tellement hauts qu’ils lui permettent tous les rêves et toutes les audaces. Jordan Bardella avait déjà eu l’occasion de préciser que si ces résultats se confirmaient, son parti demanderait des élections législatives anticipées pour pouvoir renforcer la présence de Rassemblement National à l’Assemblée nationale et pouvoir préparer les présidentielles dans de bonnes conditions. Les vents de l’extrême droite qui soufflent actuellement sur la France font partie d’une bourrasque encore plus grande qui s’apprête à balayer l’ensemble de l’Europe. Portée par d’insolubles problématiques de l’immigration liées à des difficultés de vivre ensemble, le discours de l’extrême droite semble actuellement le seul audible pour les Français.
Cette situation est un échec personnel d’Emmanuel Macron. Lorsqu’il a été élu président, sa principale promesse politique était de veiller à ne pas laisser l’extrême droite sortir de sa niche. Aujourd’hui elle semble non seulement en position de casser le plafond de verre qui la maintient loin du pouvoir, mais, ironie de l’histoire, elle s’impose pour beaucoup de Français comme la seule alternative à la gouvernance de Macron. La raison de cette bérézina politique : La droite traditionnelle toujours noyée dans la recherche d’un leadership perdu et la gauche plus que jamais paralysée par la permanente guerre des ego.

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