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L’heure de vérité pour l’axe Rabat-Paris

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Rabat a dit son mot et dévoilé le plafond de ses ambitions et de sa stratégie. Sa relation avec la France ne peut redevenir normale ni ambitieuse tant que Paris restera volontairement en marge de cette dynamique qui consacre, brique après brique, la souveraineté du Maroc sur son Sahara.

Incompréhension : La diplomatie française ne peut affirmer publiquement que ce qui l’empêche aujourd’hui de clamer haut et fort la souveraineté du Maroc sur son Sahara est son angoisse de déplaire dangereusement au régime algérien sur lequel l’Elysée mise encore énormément.

Mustapha Tossa
Journaliste éditorialiste

Ce qui se joue aujourd’hui pour les relations entre la France et le Maroc n’est ni plus ni moins que sa qualité, sa profondeur et son orientation stratégique. Les deux pays ne peuvent se permettre une bouderie aussi longue, aussi coûteuse sans que le couple France-Maroc n’en paie un prix exorbitant.

à ce jour, comme le paramètre économique, cœur du réacteur de cette relation, n’a pas encore été touché, il règne sur ce singulier axe Rabat-Paris un sentiment d’angoisse mais sans les effluves de cette gravité dramatique indispensable aux réveils brutaux.
La balle est dans le camp français. Seul Paris possède cette capacité à mettre fin à cette crise froide et mutique et relancer son partenariat avec le Maroc. Rabat a dit son mot et dévoilé le plafond de ses ambitions et de sa stratégie. Sa relation avec la France ne peut redevenir normale ni ambitieuse tant que Paris restera volontairement en marge de cette dynamique qui consacre, brique après brique, la souveraineté du Maroc sur son Sahara.
Les Marocains trouvent la posture de la France sur cette question, cruciale pour le Maroc, d’autant plus incompréhensible et inexplicable que Paris fut une des capitales dans le monde à avoir salué les bienfaits et les mérites du plan de l’autonomie proposé par le Maroc comme solution de sortie de crise. La diplomatie française n’a cessé de le défendre et de le vendre dans tous les forums internationaux. C’était d’ailleurs cet héritage diplomatique que la ministre française des affaires étrangères Catherine Colonna avait mis en avant lors de sa dernière et unique visite au Maroc.
Pour les Marocains, ce positionnement français, s’il fut avant-gardiste en 2007, date d’élaboration et de naissance de ce plan d’autonomie, paraît aujourd’hui dépassé, voire inadapté par rapport à la nouvelle conjoncture internationale. Certaines grandes puissances, alliées du Maroc, ne se sont pas contentées d’applaudir et de tresser des lauriers à la solution marocaine de l’autonomie. Elles sont carrément passées à la vitesse supérieure en reconnaissant officiellement la souveraineté du Maroc sur ses provinces sahariennes.

Ces multiples accélérations ont eu le don de montrer le décalage de la perception française et ont poussé la diplomatie marocaine à s’interroger à haute voix sur les vraies raisons qui empêchent un pays allié comme la France de suivre l’exemple américain, espagnol hier et aujourd’hui israélien.
Cette tension entre les deux pays qui s’est traduite spectaculairement par l’absence remarquée de dialogue politique à haut niveau comme le montre le report à plusieurs reprises de la visite d’Etat du président Emmanuel Macron au Maroc, a eu le don de jeter une lumière crue sur les contraintes françaises.
Paris a manifestement des raisons lourdes qui l’empêchent de déclarer ouvertement un soutien clair et sans équivoque à la marocanité du Sahara. Et il faut les chercher du côté de ce qui est communément appelé le Pari algérien du président Macron.
Des raisons inavouables aussi. La diplomatie française ne peut affirmer publiquement que ce qui l’empêche aujourd’hui de clamer haut et fort la souveraineté du Maroc sur son Sahara est son angoisse de déplaire dangereusement au régime algérien sur lequel l’Elysée mise encore énormément.

La grande interrogation qui se pose aujourd’hui : combien de temps encore Paris va devoir tenir cette posture qui était amicale avant et qui au fil des mois devient porteuse d’une attitude perçue par les Marocains comme sourdement hostile?
Au sein du spectre politique français, de nombreuses voix s’étaient élevées pour dénoncer les tenants et les aboutissants de cette politique maghrébine d’Emmanuel Macron. Elles l’ont par ailleurs invité a reprendre le fil de la conversion avec le Maroc en réadaptant la position de la France sur le Sahara. La dernière en date fut une tribune signée par Nicolas Baverez, un haut fonctionnaire français qui après avoir livré un dur réquisitoire contre la politique de Macron en Algérie appelle à « la réconciliation avec le Maroc, qui constitue le meilleur allié pour stabiliser l’Afrique».
à ce jour, ni l’Élysée ni le Quai d’Orsay n’ont publiquement commenté les récentes évolutions du dossier du Sahara. Les plus optimistes s’entêtent à croire que ce silence ne révèle aucunement un désintérêt de la France de ce dossier. Ils s’accrochent par ailleurs à l’idée qu’étant donné les grands enjeux de cette affaire, une diplomatie souterraine est certainement à l’œuvre pour trouver une issue à cette crise entre la France et le Maroc et redonner à l’axe Rabat-Paris le grand lustre qu’il mérite.

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