Chroniques

L’Homme, un miroir de la nature

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Nous mettons une somme considérable d’énergie à tourner en rond préférant le vide des sens à l’implication de l’être dans ce qui le défie de grandir, d’avancer vers la lumière pour mieux voir et non pour mieux briller.

William Shakespeare l’avait prédit plusieurs siècles avant notre pseudo-modernité : «Faites concorder l’action et la parole, la parole et l’action, avec une attention particulière, celle de ne pas outrepasser la modestie de la nature. Car tout ce qui surjoue ainsi s’éloigne du propos du théâtre, dont la seule fin, du premier jour jusqu’au jour d’aujourd’hui, reste de présenter comme un miroir à la nature; de montrer son visage à la vertu, sa propre image au ridicule; au corps et à l’âge même du temps sa force et son reflet. Mais surjouer, ou jouer trop faible, même si cela fait rire les ignorants, ne pourra qu’affliger les hommes de goût, dont l’opinion d’un seul doit avoir plus de poids pour vous que celle d’une salle entière. […] J’en connais qui rient tout seuls pour entraîner le rire de quelques spectateurs pauvres d’esprit au moment même où telle ou telle question cruciale de la pièce se trouve en jeu. C’est là une chose vile, qui montre la plus pitoyable des ambitions chez le fou qui s’en sert.»

Et nous sommes tous des fous à lier qui avons désappris l’exactitude en apprenant le surjeu, qui dénature toute démarche vers la véracité. Nous mettons une somme considérable d’énergie à tourner en rond préférant le vide des sens à l’implication de l’être dans ce qui le défie de grandir, d’avancer vers la lumière pour mieux voir et non pour mieux briller. Et dans cette longue marche vers notre absence de clarté, nous avons égaré les clefs de lecture, nous avons détruit tous les codes d’accès à notre humanité perdue.

Marcel Proust, l’homme à qui nous devons «à la recherche du temps perdu», avait vu juste, lui le connaisseur des âmes humaines : «Il y a dans notre âme des choses auxquelles nous ne savons pas combien nous tenons. Ou bien, si nous vivons sans elles, c’est parce que nous remettons de jour en jour, par peur d’échouer ou de souffrir, d’entrer en leur possession.»

Au bout de notre course affolée vers le néant de soi, nous avons choisi la peur comme moteur et comme catalyseur de nos attentes. La peur de la solitude. La peur du risque. La peur de l’inconnu qui doit naturellement nous servir de lanterne qui luit de l’amont vers l’aval d’un seul tenant. Oui, la peur qui nous a dénaturés, faisant de nous des projets avortés d’humains sur le retour. Oui, surtout la peur d’être seul, marchant vers son destin contre toutes les mises en garde stériles et paralysantes.

Sur ce chapitre, l’auteur de «La crucifixion en rose», Henry Miller, ne fait pas dans la dentelle : «Être seul, ne serait-ce que quelques minutes, et le comprendre de tout son être, est une bénédiction que nous songeons rarement à invoquer. L’homme des grandes villes rêve de la vie à la campagne comme d’un refuge contre tout ce qui le harcèle et lui rend la vie intolérable. Ce dont il n’a pas conscience, c’est qu’il peut être plus seul dans une ville de dix millions d’habitants que dans une petite communauté. L’expérience de la solitude conduit à une réalisation spirituelle. L’homme qui fuit la vie, pour être à même de faire cette expérience, risque bien de s’apercevoir à ses dépens, surtout s’il amène dans ses bagages tous les désirs que la ville entretient, qu’il n’a réussi qu’à trouver l’isolement.

«La solitude est faite pour les bêtes sauvages ou pour les dieux», a dit quelqu’un. Et il y a du vrai là-dedans.

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