Chroniques

Libération de la parole raciste en France !

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Depuis quelques années, dans cette course effrénée à l’audimat, certains groupes de médias ont fait délibérément le choix d’investir dans la parole raciste.

Récemment, un célèbre animateur de télévision, Pascal Praud pour ne pas le nommer, a défrayé la chronique médiatique en faisant un lien direct entre l’angoissante propagation des punaises de lit dans les foyers parisiens et le phénomène migratoire. Selon ce raccourci simpliste, s’il y a de plus en plus de punaises de lit, c’est parce que les nombreux nouveaux venus dans la société française n’ont pas accès au même niveau d’hygiène que la population autochtone.

Il n’en fallait pas plus pour que la Toile s’enflamme. C’est le préjugé raciste d’un homme et d’une chaîne de trop. Si l’indignation sur les réseaux sociaux a été unanime, versant souvent dans un sarcasme salvateur, la réaction de la classe politique fut d’une grande discrétion. A l’exception de quelques personnalités de la gauche radicale qui ont exprimé quelques haut-le-cœur, les autres, sans doute contraints par leurs agendas politiques, se sont tus. Avec cette crainte politicienne portée en bandoulière, celle de mettre les doigts dans un tourbillon ravageur.

Signe des temps qui changent, les réflexions racistes d’une autre époque étaient capables de mobiliser les indignations des médias, de faire descendre les politiques dans la rue. Il est vrai qu’à l’époque, il y avait des structures, des officines pour certains, dont la mission était d’haranguer les foules contre cette idéologie raciste qui avance souvent dans le bruit et la fureur.

Ces derniers temps, la libération de la parole raciste en France s’est accompagnée par des tentatives relativement réussies de la part de l’extrême droite incarnée par Marine Le Pen de dédiaboliser son image pour atteindre une forme de normalité, voire de respectabilité. Plus Marine Le Pen s’installe dans l’imaginaire des Français, plus les idées racistes les plus scandaleuses sont sourdement admises et ne choquent plus grand monde. La montée de l’extrême droite avait surfé sur les impacts à la fois des derniers attentats terroristes qui ont frappé la France et sur les flux migratoires tendus qui s’abattent sur les territoires européens.

En s’installant dans les esprits des Français comme possible victorieuse de la prochaine présidentielle, Marine Le Pen dont le programme politique est centré exclusivement sur les questions de migration, a participé à briser de nombreux tabous. Ce qui se susurrait hier avec honte se déclame aujourd’hui avec une forme de fierté assumée. La parole raciste a pris ses aises au point de constituer une ligne éditoriale de nombreux médias librement assumée.

La nouveauté aujourd’hui dans cette nouvelle atmosphère politique qui fait la part belle à la stigmatisation est l’existence de médias exclusivement dédiés à la diffusion de convictions raciste. Il faut dire que depuis quelques années, dans cette course effrénée à l’audimat, certains groupes de médias ont fait délibérément le choix d’investir dans la parole raciste. Les débats de certains plateaux de télévisions, les Une de certains magazines, les éditoriaux de certains journaux sont exclusivement dédiés à l’éloge de la parole raciste. Toutes les questions du monde sont vues à partir du prisme migratoire avec une forme de réflexe pavlovien. C’est ce qui explique pourquoi le lien a été établi entre propagation de punaises de lit et immigration.

Sur le plan politique, si les groupes qui utilisent cette parole raciste pour assouvir leur agenda électoral et tenter d’élargir le socle de leurs adhérents en prévision des scrutins politiques à venir ont réussi leurs démarches, c’est parce que les autres forces politiques ont abandonné la lutte antiraciste. La droite traditionnelle est saisie d’effroi de devoir se démarquer de l’idéologie de l’extrême droite qui permet cette libération de la parole raciste sous peine de se voir ostracisée par son électorat naturel. Quant à la gauche, radicale ou classique, depuis qu’elle s’est volontairement coupée des classes populaires et ouvrières, elle n’est plus audible sur les questions de société comme le racisme ou les discriminations.

Face à cette dangereuse libération de la parole raciste, Emmanuel Macron et son gouvernement observent un silence assourdissant. Il est vrai que la solution pour eux est laissée à une approche judiciaire, tant au niveau des tribunaux qui doivent traiter les violations de règle confirmées qu’au niveau des structures de l’Etat qui exercent une forme de contrôle sur les médias publics et privés en leur traçant les lignes rouges à ne pas dépasser.

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