Chroniques

Macron cède devant les putschistes du Niger

Mustapha Tossa Journaliste éditorialiste

Le président français s’est soumis à une forme de «realpolitik» et à un rapport de force défavorable à la perception française et à la solution que Paris propose.

Ce fut un exercice de contrition d’une grande amertume politique. Emmanuel Macron, la mâchoire serrée, le regard noir, les traits figés, annonce au détour d’une phrase le retour de l’ambassadeur français à Niamey Sylvain Ittés et le début du retrait des 1.500 soldats français installés au Niger. Il a fait ce constat après deux mois d’un bras de fer avec les nouvelles autorités putschistes où il avait fait preuve d’une grande constance dans son refus de reconnaître les nouveaux maîtres du Niger et de maintenir ses exigences de retour à l’ordre institutionnel.
De toute évidence, Emmanuel Macron vient de perdre cette bataille avec les putschistes du Niger. Il s’est soumis à une forme de «realpolitik» et à un rapport de force défavorable à la perception française et à la solution que Paris propose. II s’est résigné à accepter les lubies souverainistes de la nouvelle équipe au pouvoir à Niamey. Pour beaucoup d’observateurs, cette posture française, finalement adoptée dans la douleur par Emmanuel Macron, était inscrite dans le temps.
Les conditions objectives de cette situation montrent une solitude de plus en plus marquée de la diplomatie française dans cette équation régionale. Les multiples paris français sur les acteurs de cette crise sont tombés les uns après les autres, montrant un isolement de la menace militaire dissuasive brandie par la France pour inciter les militaires putschistes à céder le pouvoir au président Mohammed Bazoum.
La première grande déception française est venue de l’allié américain. Après avoir au début de cette crise adopté un discours de fermeté, Washington a progressivement changé son attitude. Son administration a ouvert des canaux de discussion avec la nouvelle équipe au pouvoir à Niamey. Les priorités américaines changèrent à vue d’œil. Il n’est plus question d’exiger le retour de Mohamed Bazoum au pouvoir. La priorité américaine est d’arracher des garanties que le nouveau pouvoir ne tombera pas dans l’escarcelle de Moscou et ne cèdera pas aux sirènes du groupe Wagner dans sa version post-Evgueni Prigojine. Une fois ces assurances fournies, Washington ne voit plus la nécessité de recourir à la force pour clore cette dispute sur le pouvoir à Niamey.
La seconde déception française est d’origine européenne. Dès le début de la crise, des pays comme l’Italie et l’Allemagne, chacun pour des raisons propres à son agenda et son histoire, ont refusé de donner un chèque blanc européen pour Emmanuel Macron pour faire avancer la solution militaire dissuasive à l’encontre des putschistes du Niger. Face à ces réserves européennes, le discours viril de la diplomatie française, les multiples menaces et les nombreux ultimatums fixés par Emmanuel Macron ont perdu de leur magnétisme et de leur efficacité. Pendant ces sorties médiatiques sur le sujet, le président français a donné cette impression de prêcher seul dans le désert du Sahel.
La troisième déception trouve son origine dans le positionnement des pays de la Cedao, la communauté économique de l’Afrique de l’Ouest. Emmanuel Macron la considérait comme le possible bras armé qui pourrait intervenir militairement au Niger pour rétablir l’ordre démocratique. Après avoir longtemps proféré des menaces, fixé des ultimatums, lancé dès négociation, à grand suspense, les pays de la CEDEAO, emmenés par le Nigeria, ont fini par jeter l’éponge et abandonner la thérapie militaire préconisée par Paris.
La nouvelle équipe au pouvoir à Niamey a profité de cette situation défavorable à une intervention militaire étrangère pour relever le plafond de ses exigences à l’égard de la France. La fixation sur le sort de l’ambassadeur et des soldats français présents au Niger fut très dense au point de mettre Paris et Emmanuel Macron dans une grande impasse où la sortie de crise passe forcément par des concessions et des reculs.
C’est ce que vient de faire Emmanuel Macron, provoquant de nombreuses interrogations sur la pertinence de la politique française à l’égard du Sahel et de l’Afrique. Aujourd’hui plus que jamais, Paris est obligé de revoir sa stratégie et ses alliances dans ces contrées si la France veut continuer à peser sur les événements et à défendre ses intérêts.
Cela passe en premier lieu par un choix cohérent des alliés et une réécriture d’une doctrine politique pour stopper net cette forme de «French hate» africaine utilisée par les adversaires de la France, Russie, Chine et Turquie pour ne parler que du trio de tête, comme carburant pour alimenter « le dégagisme français » de ces régions.

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