Chroniques

Macron/Le Pen, les liaisons dangereuses !

Mustapha Tossa Journaliste éditorialiste

Le veto de Marine Le Pen contre la candidature d’un homme comme Xavier Bertrand était décisif dans sa non-nomination. Par contre la promesse de cette même extrême droite de ne pas censurer un homme comme Michel Barnier était pour beaucoup dans les raisons essentielles pour lui confier les clefs de Matignon.

Entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen une relation en dents de scie qui cacherait sans doute une énorme complicité. Depuis son arrivée à l’Élysée, le tout nouveau président de la république de l’époque avait fait aux Français le serment de tout faire pour stopper l’ascension de l’extrême droite. Aujourd’hui après plus de sept années de gouvernance Macron, jamais le Rassemblement National n’a été aussi haut et jamais Marine Le Pen n’a été si proche des marches du pouvoir. Ces fulgurances de l’extrême droite en France, les Français les doivent à cet effet de balancier installé par Emmanuel Macron. Ses choix politiques qui visaient à déstructurer l’ancien monde composé de gauche et de droite, ses choix économiques qui ont donné cette impression, souvent vérifiée, de saigner la classe moyenne, ont participé à faire le lit des extrêmes. D’abord une extrême gauche sortie de sa niche traditionnelle pour monopoliser l’ensemble de la production du discours de la gauche. Ensuite une extrême droite devenue un acteur incontournable de la vie politique française. Les législatives de 2022 lui ont ouvert les portes du parlement pour une entrée massive. Celles de 2024 l’ont consacré pivot du spectre politique français, faiseur de Premier ministre et de gouvernement. La presse française ne bruit ces derniers jours que de ces indiscrétions autour d’un deal secret entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen pour co-gérer cette période post-élection où aucune majorité ne s’est dégagée. Et où faute d’entente, une impasse institutionnelle, voire une crise de régime, sont inévitables.
Ce deal, même de tonalité secrète, est apparu au grand jour lors des consultations pour trouver un premier ministre. Le veto de Marine Le Pen contre la candidature d’un homme comme Xavier Bertrand était décisif dans sa non-nomination. Par contre la promesse de cette même extrême droite de ne pas censurer un homme comme Michel Barnier était pour beaucoup dans les raisons essentielles pour lui confier les clefs de Matignon. Il n’en fallait pas plus pour tisser une nouvelle légende à Marine Le Pen. Ce serait selon son bon vouloir que le président Macron, dont le parti a perdu les élections, ferait ses choix. Un Premier ministre qui ne plairait pas à l’extrême droite n’aurait aucune chance de décrocher le graal de Matignon. Des ministres qui déplairaient fortement à Marine le Pen n’auraient aucune chance de se décrocher leurs maroquins. Ainsi au fil des longues journées dans le choix d’un nouveau Premier ministre et d’un nouveau gouvernement, Marine Le Pen s’est imposée, à tort ou à a raison, comme celle qui dicte le tempo et les acteurs. La gauche crie au scandale politique et met sur le dos du président Macron la responsabilité d’une telle dérive. Même n’ayant pas obtenu la majorité absolue au parlement qui aurait pu lui permettre d’imposer Jordan Bardella au poste de Premier ministre, le Rassemblement National a conservé une inquiétante capacité d’agir sur les événements et les castings. Ce rapprochement entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, réel ou fantasmé, met à nu la stratégie du président de la république. Il ne peut d’un côté appeler à la formation d’un front républicain pour empêcher l’extrême droite d’accéder au pouvoir et en même temps la valoriser au point de lui permettre de jouer les rôles décisifs dans toutes les configurations politiques à venir. Cette nouvelle donne politique dans les rapports de dépendance entre Macron et Le Pen devient si évidente que les milieux politiques et médiatiques guettent l’oracle de la bouche de Marine Le Pen. Quand par exemple elle annonce qu’il y aura des élections anticipées dans dix mois, la tendance est de la croire sur parole. Et pourtant pour qu’une censure puisse réussir et censurer le prochain gouvernement, il faut qu’un petit miracle puisse se réaliser. Que l’ensemble de l’extrême droite puisse voter avec la totalité du nouveau front populaire, qu’il y ait une convergence d’intérêts entre les deux extrêmes pour mettre en échec la gouvernance de Macron.
C’est ce redoutable scénario qui est actuellement tant craint par la Macronie. Que le rejet de Macron soit si massif, si profond, si irréversible au point de pousser les extrêmes à joindre leurs efforts, à faire converger leurs stratégies pour faire tomber le gouvernement voulu par L’Elysée. Pour éviter ce scénario, semble-t-il, Macron est prêt aux plus dangereuses des liaisons.

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