Chroniques

Macron/Retailleau, une cohabitation au sommet ?

Mustapha Tossa Journaliste éditorialiste

De par sa politique, Bruno Retailleau est devenu la bête noire des médias algériens. Le régime de Abdelmajid Tebboune rêve à haute voix de le voir quitter son poste et n’hésite pas à mettre sa démission dans la balance des négociations politques avec Paris.

Il y a comme un parfum de cohabitation au sommet de l’Exécutif français entre le président Emmanuel Macron et son ministre de l’intérieur Bruno Retailleau. La tension politique entre les deux hommes n’est un secret pour personne. Quand Bruno Retailleau affirme dans la presse que la fin du Macronisme s’achèvera avec Emmanuel Macron, ce dernier se fait un malin plaisir à le recadrer en plein Conseil des ministres en le renvoyant aux résultats très discutables de sa politique de sécurité.
Pire que cela. Alors que les deux hommes avaient programmé une rencontre pour discuter de l’épineuse crise algérienne, elle fut subitement reportée aux calendes grecques et remplacée par ce que la presse avait perçu comme une convocation de recadrage de Bruno Retailleau par son Premier ministre François Bayrou.

Il faut dire que les relations avec l’Algérie sont au cœur de ce bras de fer entre Bruno Retailleau et le président Macron. Après avoir attendu sagement une grâce présidentielle algérienne de Boualem Sansal, après avoir espéré secrètement que le régime d’Alger puisse changer de comportement à l’égard des OQTF algériens, Bruno Retailleau est sorti de son silence en dénonçant l’inefficacité de la diplomatie des sentiments.

La crise avec l’Algérie cristallise la tension entre Macron et Retailleau. Le premier hésite à utiliser l’artillerie dissuasive pour exercer une pression maximale sur le régime algérien, message perçu par Alger selon Bruno Retailleau comme un signe de faiblesse et d’impuissance. Le second, ministre de l’intérieur, veut engager le rapport de force avec Alger, avoir la possibilité de recourir à tous les moyens pour faire plier le régime algérien.
De par sa politique, Bruno Retailleau est devenu la bête noire des médias algériens. Le régime de Abdelmajid Tebboune rêve à haute voix de le voir quitter son poste et n’hésite pas à mettre sa démission dans la balance des négociations politques avec Paris. à ce jour, Bruno Retailleau affirme refuser de quitter le gouvernement pour ne pas satisfaire les lubies du régime algérien.
Il est vrai que la sortie de Retailleau du gouvernement ne sera pas sans conséquences politiques et pour lui en tant que potentiel candidat pour la présidentielle de 2027 et pour Emmanuel Macron qui va devoir gérer un divorce avec le parti Les Républicains, considéré comme une force d’appoint pour la survie de sa coalition gouvernementale.

Depuis qu’il a été élu patron des Républicains, Bruno Retailleau s’est imposé comme le candidat naturel de la droite pour la prochaine course à la présidentielle. Le timing de sa sortie du gouvernement aura forcément un impact sur son ambition présidentielle. Qu’il y demeure encore en gardant toute sa liberté de parole et de critique, il pourra profiter de l’exposition gouvernementale pour nourrir son réseau de relations et défendre son agenda. S’il sort avant il prend le risque de tomber dans l’invisibilité qui entoure déjà des personnalités concurrentes comme Édouard Phillipe ou Xavier Bertrand.

Malgré ces contingences politiques, il serait difficile d’imaginer que Bruno Retailleau puisse rester à son poste jusqu’à la fin du mandat d’Emmanuel Macron, à supposer que ce dernier ne soit pas dans une obligation de subir une motion de censure et de dissoudre le Parlement avec des élections législatives anticipées. Le maintien de Bruno Retailleau dépend de deux rendez-vous électoraux importants. Les municipales de 2026 où la droite républicaine espère se refaire une bonne santé. Et les présidentielles de 2027 où cette même droite républicaine aspire à succéder à Emmanuel Macron.

Régulièrement, quand il est interrogé sur les raisons de la participation de sa formation politique au gouvernement d’Emmanuel Macron, Bruno Retailleau a l’habitude de répondre qu’il s’agit d’un choix politique pour fermer la route devant la gauche, la France insoumise et l’Extrême droite de profiter de cette instabilité politique pour accéder au pouvoir. Cet argument est en partie vrai mais il ne résume pas la totalité des motivations des Républicains qui avaient accepté le deal d’Emmanuel Macron.
Il n’empêche que malgré toutes ces arrières-pensées politiques des uns et des autres, la crise avec l’Algérie pourrait s’avérer un facteur accélérateur des divergences entre la Place Beauvau, siège du ministre de l’intérieur, et le Palais de l’Elysée. Ce qui pourrait mettre fin à ce qui commence à ressembler à une expérience de cohabitation politique entre le Macronisme en fin de parcours et la droite républicaine tout en appétits et en ambitions.

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