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Maroc/France/Algérie… Le trio du désamour !

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Auto-programmée par la diplomatie française, mais reportée par des autorités marocaines insatisfaites du positionnement de Paris sur le Sahara, cette visite de Macron au Maroc est devenue un enjeu majeur.

S’il y a une relation difficile, teintée d’une forme de tension permanente entre la France et ces deux pays du Maghreb que sont le Maroc et l’Algérie, c’est que Paris a échoué à gérer une relation saine dans ce trio. Au fil des ans s’est installé un dangereux exercice d’équilibriste. Plus Paris se rapproche d’Alger, plus sa relation avec Rabat se tend. Plus la diplomatie française s’ouvre vers le Maroc, plus ses rapports avec l’Algérie retrouvent leurs zones de turbulences.

Pendant des années et conscients de la sensibilité effervescente de cette affaire, les multiples présidents de la République, y compris le socialiste François Hollande, ont essayé d’adopter une attitude qui se voulait équidistante, ambitionnant une forme de neutralité négative. C’est lui l’auteur de la fameuse phrase qui résume les limites de la marge de manœuvre que peut avoir Paris à l’égard d’Alger. «La France est contrainte dans son expression sur l’Algérie», avait-il confié un jour dans un moment de confession lucide.

Depuis son arrivée à l’Elysée, Emmanuel Macron s’est donné pour objectif stratégique de faire voler en éclats cette approche statique, voire paralysante. Il fait du rapprochement avec l’Algérie un chantier d’une urgence absolue. Cachée derrière le vernis très engageant de la réconciliation mémorielle, cette posture de Macron a fait pencher la balance du côté du régime algérien. La crise s’est calcifiée entre Paris et le Maghreb car ce rapprochement est intervenu à un moment crucial où le Maroc, après le tournant de la reconnaissance américaine, avait formulé des demandes concrètes à l’égard de la France.

Rabat demandait à Paris de sortir de la zone grise, de quitter la zone de confort où elle tenait le manche par le milieu. Ni totalement pro-marocain, ni entièrement anti-algérien. Emmanuel Macron était dans l’obligation de faire la sourde oreille, ayant les mains ligotés par son tropisme algérien. Plus ce silence faisait du bruit médiatique, plus la crise politique s’enfonçait, aidée en cela par d’autres divergences comme l’affaire des visas ou celle des accusations fantaisistes d’espionnage à travers le logiciel israélien Pegasus.

Aujourd’hui alors que de nombreux indicateurs politiques laissent prévoir sinon une embellie du moins une clarification des rapports de Paris et ces capitales du Maghreb, 2024 s’annonce comme l’année où les visites d’Etat entre les deux rives de la Méditerranée vont être l’unique baromètre de cette convalescence. De manière inédite, le président algérien Abdelmajid Tebboune avait profité des fêtes de la nouvelle année pour passer un coup de téléphone à Emmanuel Macron. Message principal. Tebboune a urgemment besoin d’effecteur une visite dans les plus brefs délais à Paris.

Cette année présente pour lui un enjeu crucial : ou la reconduction pour un second mandat, ou la mise à la retraite avec tout ce que cela implique comme possibles poursuites judiciaires pour corruption et mauvaise gouvernance. Et s’il parvient à venir à Paris, jouir de la bénédiction française, ses adversaires au sein du sérail algérien seront impuissants à stopper la dynamique d’un second mandat. C’est presque un SOS politique lancé par Tebboune en direction de Macron.

Mais le président français est tout aussi occupé à créer, lui, les conditions de sa visite au Maroc. Auto-programmée par la diplomatie française, mais reportée par des autorités marocaines insatisfaites du positionnement de Paris sur le Sahara, cette visite de Macron au Maroc est devenue un enjeu majeur. Les rares signes de sa préparation sont autant d’hirondelles qui annoncent le retour du printemps dans les relations franco-marocaines.

Après avoir passé un mandat et demi à tenter de gérer une difficile relation à trois, Emmanuel Macron est acculé à un exercice de vérité politique. S’il veut redonner au partenariat entre la France et le Maroc le lustre qu’il mérite, il doit reconnaître sans ambages la souveraineté du Maroc sur son Sahara. Et s’il le fait, il doit en gérer les conséquences sur ses rapports avec le régime algérien qui en a fait une ligne rouge à ne pas dépasser. Pour sortir de cette impasse diplomatique à trois, Emmanuel Macron se doit de faire bouger les lignes de sa vision du Maghreb. Se rapprocher le plus du Maroc tout en désarmant l’agressivité et l’opposition de Algériens à cette stratégie. C’est le cœur de cette crise entre Paris et le Maghreb. Tout le reste n’est que symptômes collatéraux.

Mustapha Tossa Journaliste éditorialiste

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