Le ministre français n’était pas attendu à Rabat uniquement pour un mea culpa ou un exercice d’excuses et d’autojustifications. Il était attendu avec une grande impatience sur la position de Paris sur le Sahara marocain.
Maintenant que l’excitation générale autour de la visite du ministre des affaires étrangères français Stéphane Séjourné au Maroc est relativement retombée, le temps est venu d’examiner ce qu’elle a réellement apporté pour dégivrer l’hiver glacial qui caractérisait les relations entre les deux pays depuis des années.
Et parce que la personnalité du ministre n’était pas anodine, -n’était-il pas celui qui incarnait l’hostilité anti-marocaine absolue au sein du Parlement européen-, la curiosité était grande de voir comment il allait gérer ses contorsions face à la nouvelle réalité diplomatique dans laquelle sa nomination surprise au Quai d’Orsay et la mission que lui a confiée le président Emmanuel Macron l’ont placé.
Bien entendu, publiquement aucune référence à cette période de tension entre le Parlement européen et le Maroc n’a été faite, même une explication de texte entre quatre murs au siège du ministère des affaires étrangères marocain a sans doute été inévitable. Mais le ministre français n’était pas attendu à Rabat uniquement pour un mea culpa ou un exercice d’excuses et d’autojustifications. Il était attendu avec une grande impatience sur la position de Paris sur le Sahara marocain.
Sur ce point particulier la communauté franco-marocaine se divise en deux courants : les déçus ataviques et les optimistes forcenés. Ceux qui s’attendaient à ce que dès que le ministre Séjourné prenne la parole à la conférence de presse bilatérale pour annoncer le sésame que tout le sérail diplomatique attendait, «le Sahara est marocain», étaient restés sur leur faim. Ils confortaient leurs doutes en observant l’entêtement du ministre français à rappeler les évidences de la position française et son refus de la faire bouger de manière à satisfaire pleinement les demandes marocaines.
Cette même catégorie d’observateurs pointe cette hésitation et croit y déceler une nouvelle recette française de se maintenir dans le gris clair, si accommodant pour ne pas se mettre à dos le régime algérien à partir du moment où le mot magique de «Sahara marocain» n’est toujours pas sorti de la bouche de Stéphane Séjourné. Ils ont été confortés dans leurs suspicions quand de retour à Paris, le ministre français a élargi le spectre de l’hésitation quand une question lui a été posée pour quelles raisons il ne s’alignait pas au moins sur la position espagnole. Pendant cette même interview, le chef de la diplomatie française a évoqué, dans le sillage de sa réponse et de son argumentaire, la nécessité de donner un contenu économique et stratégique à la relation France-Maroc dans laquelle il va s’investir personnellement.
Et puis il y a ceux qui ont préféré la théorie du verre à moitié plein. Pour eux le ministre français a envoyé de nombreux signaux selon lesquels Paris est beaucoup plus proche de la reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur son Sahara que de l’expression de la moindre sympathie à l’égard des séparatistes du Polisario et de leurs parrains algériens. Pour ces optimistes forcenés, l’annonce française tant attendue par les Marocains est une affaire de timing et de contexte. Il est évident qu’un tel tournant français, avec autant de conséquences géostratégiques sur l’ensemble de la région, ne se fait pas au détour d’un colloque par un ambassadeur français ou même lors d’une conférence de presse par le ministre des affaires étrangères.
Cette annonce, si elle doit avoir lieu, se fera sans aucun doute dans un cadre prestigieux et historique. Celui par exemple d’une visite d’Etat du président Emmanuel Macron au Maroc, projet politique au cœur de la grande négociation entre Paris et Rabat. À partir de là, il est logique de considérer que les récentes déclarations de l’ambassadeur Christophe Lecourtier ou celle du ministre Stéphane Séjourné ne sont là que pour chauffer l’atmosphère et préparer l’ambiance au grand tournant de Paris sur le Sahara que seul le président Macron en présence du Roi Mohammed VI peuvent lui donner l’importance stratégique qu’il mérite.
Dans tous les cas de figure, la diplomatie française a engrangé son action à l’égard du Maroc sur une séquence court terme. Les possibles atermoiements, les éventuelles hésitations finiront par s’estomper face à la demande de clarification persistante du Maroc pour clore définitivement le conflit du Sahara