Aujourd’hui, les relations entre Rabat et Paris ont atteint un tel niveau de défiance et de rupture froide que tout ce qui peut être entrepris ne peut que les relancer et leur octroyer une nouvelle dynamique.
Faut-il faire confiance aux vents favorables qui soufflent actuellement sur les relations entre la France et le Maroc ? L’optimisme est de rigueur. Tant l’espoir de voir l’axe Paris-Rabat sortir de l’état de congélation où il se trouve est grand.
Et pour cause. C’est sans aucun doute une des notes d’espoir les plus prometteuses dans la relation France-Maroc. L’actuelle visite privée du Roi Mohammed VI à Paris est venue confirmer un faisceau d’indicateurs positifs selon lesquels l’axe Paris-Rabat, qui a
souffert d’une longue crise mutique, pourrait se réanimer.
Aux origines de la crise entre Rabat et Paris, les demandes politiques formulées par la diplomatie marocaine auprès de la France sur le dossier du Sahara. Une mise à jour de sa position, une réactualisation de sa vision qui prendrait en compte les évolutions régionales et internationales de ce dossier. Bref, une reconnaissance française de la souveraineté du Maroc sur ses provinces du Sud, sans fioritures, sans ambages, sans le confort du gris-clair.
Cette grande hésitation française avait produit une forme de bras de fer invisible entre les deux pays, multiplié les tensions et gelé le dialogue politique à haut niveau. Comme le montrent sans conteste le report à multiples reprises de la visite de Macron au Maroc et l’absence d’un ambassadeur marocain à Paris. La crise des visas utilisée comme un levier de rétorsion, le scandale du logiciel espion Pegasus instrumentalisé comme un levier de propagande, la relation France-Maroc était entrée dans un hiver glacial où les deux pays, traditionnellement liés par un partenariat stratégique, scellaient involontairement une forme de rupture froide, d’éloignement progressif, de divorce immuable.
La diplomatie d’Emmanuel Macron avait fait ce choix presque contrainte. Elle avait mis en jeu la qualité de sa relation avec le Maroc dans la balance de ses projets de restructuration de ses rapports avec l’Algérie. Pour simplifier les enjeux, reconnaître la souveraineté du Maroc de la part de Paris sur son Sahara comme l’ont fait l’administration américaine et de nombreux pays est ressenti par le régime algérien comme une déclaration française de guerre. Cette diplomatie française fut enivrée pendant de longs mois par ce qui a été décrit comme le pari algérien d’Emmanuel Macron.
Aujourd’hui, si les lignes françaises sur le Maghreb doivent bouger, cela passe fatalement par la reconnaissance de Paris que ce pari algérien a échoué. Et c’est un constat qui a été porté par de nombreuses personnalités politiques françaises, de droite comme de gauche, qui ont tenté de dessiller les yeux d’Emmanuel Macron, embués par ses lubies algériennes, sur cette nouvelle réalité politique. Paris n’a pas gagné Alger et risque de perdre Rabat. Le dernier coup de timbale à l’encontre de Macron sur le Maroc fut donné bruyamment par l’ex-président Nicolas Sarkozy, un familier du locataire de l’Elysée.
Sans opérer de brusques retournements, Emmanuel Macron avait affiché quelques signaux selon lesquels il a pris conscience de l’impertinence de ses choix maghrébins. Après avoir longtemps été tenté par la politique de l’autruche et du déni, il vient de reconnaître devant la conférence annuelle des ambassadeurs que les relations entre la France et les pays du Maghreb souffrent de certains dysfonctionnements et que le temps est venu de procéder à des ajustements pour redonner une nouvelle dynamique entre les deux rives de la Méditerranée. Il ne l’a pas dit en termes aussi limpides mais les sous-entendus et les intentions sont là.
La présence de Mohammed VI dans ce contexte à Paris ne peut que nourrir les espoirs de voir une nouvelle entente entre la France et le Maroc réécrite à la lumière de deux faits majeurs, l’échec constaté du pari algérien de Macron et la multiplication des coups d’Etat militaires en Afrique qui aspirent à démanteler la présence française dans le Sahel et l’Afrique de l’Ouest et dont le régime algérien joue un rôle actif et manifeste contre les intérêts français.
Pour concrétiser cette rectification française, la plupart des capitales du Maghreb sont à l’affût du moindre signal, un coup de téléphone entre les deux chefs d’Etat, Mohammed VI et Emmanuel Macron, et pourquoi pas une rencontre entre les deux hommes pour sceller le retour de la chaleur à l’axe Paris-Rabat longtemps gelé par les mésententes et les divergences.
Aujourd’hui, les relations entre Rabat et Paris ont atteint un tel niveau de défiance et de rupture froide que tout ce qui peut être entrepris ne peut que les relancer et leur octroyer une nouvelle dynamique. Il est impossible, côté marocain comme côté français, d’envisager le moindre scénario de reprise et de normalisation sans que cela ne passe par la case «Sahara marocain». Emmanuel Macron est très attendu sur cette affaire pour une grande clarification qui soit à la hauteur des relations entre la France et le Maroc et qui pourrait définitivement enterrer les profondes raisons de leurs brouilles.