Chroniques

Message du Maroc au monde

© D.R

Il y a quelques jours Fès abritait le Forum de l’Alliance des Civilisations. Ce n’est que justice car en fait, notre pays se situe précisément au carrefour des civilisations et pas de façon conjoncturelle mais de façon intemporelle. Avant nous nos ancêtres ont construit cette diversité qu’ils nous ont léguée en héritage et que les générations actuelles perpétuent, malgré un contexte international tellement défavorable…

Sa Majesté le Roi a merveilleusement décrit notre position dans un discours mémorable lu par Son Conseiller M. André Azoulay : «Nous faisons au Maroc le choix renouvelé d’être une terre de tolérance, de coexistence et d’ouverture», une phrase qui est non seulement notre récit historique mais aussi le défi que nous portons fièrement.
Bien des obstacles se dressent sur le chemin du vivre-ensemble : les réseaux sociaux qui, hélas, voient les publications de fraternité noyées sous des flots de haine et de rejet de l’Autre, ou encore la «vraie-vie» où ceux qui œuvrent pour l’entente, la paix, l’harmonie sont combattus au quotidien par l’actualité : guerres, racisme(s), islamophobie, antisémitisme, rejet de la différence, etc.
Or depuis toujours – via le populisme- la haine a été plus facile à véhiculer et à partager que ne l’est la fraternité.
Malgré un environnement hostile notre pays résiste aux penchants et relents de violence et de séparatisme entre les Hommes et tisse sans cesse de nouveaux liens qui visent à favoriser la richesse de notre diversité, la fraternité entre compatriotes marocains musulmans et juifs et bien sûr chrétiens vivant sur notre sol.
Oh bien sûr rien n’est facile, rien n’est acquis et ceux qui cherchent à embrigader nos jeunes par leurs propos ou leurs publications sur le Web ne reculent devant aucune manipulation, mais Dieu merci les partisans du vivre-ensemble ne baissent pas les bras et représentent un maillage social mobilisé, engagé et imaginatif. Le Discours Royal leur arrive ici comme un soutien hautement appréciable, une source d’encouragement et une feuille de route qui conforte leur combat, ce passage donne à tous et toutes les acteurs du vivre-ensemble une légitimité incomparable : «Dans ce moment si particulier de l’Histoire, alors que nous luttons contre le changement climatique, que nous combattons le terrorisme, que nous œuvrons en faveur du développement durable, de la sécurité hydrique, énergétique et alimentaire, du développement de manière générale, il nous faut revenir à l’essentiel, c’est-à-dire le vivre-ensemble. Rien ne sert de mener de grands projets si nous ne parvenons pas à dépasser ce premier maillon du vivre-ensemble, au nom d’une seule humanité qui replace l’humain en son cœur.»
Sur le terrain les associations font un travail remarquable de sensibilisation, de pédagogie et multiplient les activités concrètes qui unissent, rassemblent, expliquent, pour n’en citer que quelques-unes je voudrais ici nommer celles qui œuvrent au quotidien : Essaouira-Mogador, Marocains Pluriels, Bayt Dakira, Le SOC, Le Musée du Judaïsme, Salam Lekoulam, etc.
Il faut être sur le terrain ET sur les réseaux sociaux car les semeurs de haine sont partout : à titre personnel grâce à Marocains Pluriels, ainsi que tous les jeunes avec lesquels j’œuvre et qui composent un véritable maillage des associations de jeunes dans les quartiers et maintenant avec les membres et amis de l’association Salam Lekoulam, nous avons opté pour occuper les deux créneaux. Car -disons-le franchement- nombre de nos jeunes découvrent les juifs, après avoir été abreuvés pendant des années par les télévisions satellitaires, ils s’aperçoivent que la réalité est autre et que les Marocains juifs sont nos compatriotes, avec lesquels tant et tant de choses nous unissent, tant de liens tissent notre histoire commune.
Le passé, le présent et l’avenir nous sont communs.
Nombre de nos jeunes comprennent également petit à petit que les chrétiens d’origine européenne qui vivent sur notre sol ne sont pas de vilains colons mais bel et bien des Marocains de cœur et que les jeunes Subsahariens chrétiens du Maroc sont des jeunes de notre continent avec lesquels l’amitié est la voie du présent et de l’avenir. Toute cette sensibilisation ne se fait pas sans un véritable engagement, sans une passion pour l’Autre, sans l’envie de partage : nos meilleures «armes» -et le Festival des Andalousies d’Essaouira vient encore de nous le montrer- sont la culture (musique, cinéma, écriture, vidéo, théâtre…) ainsi que le sport.
Alors oui, bien sûr, ce discours de notre Roi au Forum de l’Alliance des Civilisations est un soutien et un encouragement très fort, permettez-moi de terminer mon modeste plaidoyer par cet extrait du Discours Royal :
«Le contexte actuel est marqué par la recrudescence des causes qui furent à l’origine même de la création de l’Alliance des Civilisations :
– Jamais notre civilisation n’a été aussi exposée, jamais le vivre-ensemble n’a été aussi menacé au quotidien ;
– Rarement l’Autre n’a été autant associé à la suspicion ou n’a été utilisé pour attiser la peur et fomenter la haine ;
– Les extrêmes saturent le débat et disqualifient les discours modérés; les religions sont trop souvent instrumentalisées, lorsqu’elles ne sont pas stigmatisées;
– Le populisme agite les sociétés, inventant des questions sans y répondre, brandissant la migration, tel un épouvantail dans les contextes d’élection et érigeant le migrant en bouc émissaire;
– Des continents qui ont rompu avec la guerre renouent avec les armes et la violence, sous toutes ses formes;
– La Covid-19 a signé le retour du repli sur soi, alors même qu’elle aurait pu cristalliser la conscience du destin partagé;
– Alors que la planète produit suffisamment pour nourrir l’humanité entière, l’insécurité alimentaire menace le monde ;
– Le terrorisme se nourrit de séparatisme et guette là où l’instabilité politique ralentit le développement socio-économique ;
C’est toujours le moment opportun pour parler de paix – de la paix au-delà de l’absence de conflits ; de la paix comme vision du monde ; de la paix comme rapport à l’autre. Et l’Alliance est, à cet égard, un puissant vecteur de paix.
…/… La politique parle aux citoyens, la religion parle à leurs âmes, le dialogue parle à leurs civilisations. Dans toutes les langues, nous devons parler à la paix. Cette injonction émane du regard des générations passées et des générations futures.
Dans ce moment si particulier de l’Histoire, alors que nous luttons contre le changement climatique, que nous combattons le terrorisme, que nous œuvrons en faveur du développement durable, de la sécurité hydrique, énergétique et alimentaire, du développement de manière générale, il nous faut revenir à l’essentiel, c’est-à-dire le vivre-ensemble.
Rien ne sert de mener de grands projets si nous ne parvenons pas à dépasser ce premier maillon du vivre-ensemble, au nom d’une seule humanité qui replace l’humain en son cœur».

par Ahmed ghayet

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