Juste avant de commettre cette chronique, j’ai voulu chercher un peu d’inspiration en jetant un coup d’œil à travers la fenêtre de cet hôtel du Nord où je me trouve pour des raisons… je vais dire… professionnelles pour faire sérieux.
On ne peut pas dire que le temps soit au beau fixe. Pourtant, je me suis vite retrouvé en admiration et en méditation face à ce ciel gris et lourd et cette pluie qui tombe à verse lavant au passage les chaussées sales et polluées et en même temps, nous raconte-t-on, les cœurs des endurcis et des aigris.
Mais au lieu d’apprécier la poésie de ce moment exceptionnel, j’ai commencé à m’interroger sur ce que sera le sort de la grande marche décidée par nos 3 plus grandes centrales syndicales pour dimanche prochain si la pluie continuait à tomber comme elle le fait allègrement depuis plusieurs jours. Si jamais c’est le cas, la marche va inévitablement avoir l’effet d’un pétard mouillé et on va dire encore une fois que ce gouvernement est vraiment béni des Dieux, au grand dam des démons, des caïmans et de tous les autres monstres qui lui mettent les crocs dans les roues. Mais au lieu de me lancer les yeux fermés dans un texte trop facile sur un fiasco inéluctable, j’ai décidé par précaution de consulter M. Météo, et j’ai très bien fait. En effet, le week-end prochain s’annonce absolument radieux.
Maintenant je comprends mieux pourquoi deux grands partis, anciens frères, puis amis, ensuite frères-ennemis ont pris la décision de s’unir pour soutenir cette première grande marche de l’année contre une majorité qui ne semble pas trop s’inquiéter. D’ailleurs, ce n’est qu’une marche et non, comme ailleurs, une manifestation. Une marche est, par définition, une action calme et pacifique. Bien entendu, pour faire voir leurs «revendications permanentes» et faire entendre leurs «doléances redondantes», nos camarades syndiqués soutenus par leurs frères du moment ne vont sûrement pas hésiter à sortir plein de banderoles toutes bariolées de slogans contre le méchant gouvernement, le hideux patronat et tous les ennemis jurés de la classe ouvrière et des masses populaires. Il y aura probablement aussi de beaux discours de circonstance qui seront déclamés à travers des mégaphones aphones, mais qu’importe le sens du mot, pourvu qu’il y ait l’ivresse du son.
Et puis, même s’ils sont presque sûrs qu’ils ne vont rien avoir parce que tout simplement personne ne va les entendre, ils se disent qu’après tout cette marche sera toujours bénéfique ne serait-ce que comme échauffement pour la prochaine grande marche du 1er mai. Et à ce propos, certaines mauvaises langues étaient allées jusqu’à soupçonner nos syndicats que la marche du 6 avril n’avait d’autre finalité que de servir de séance d’entraînement pour… la lutte finale. Blague à part, loin de moi l’idée de sous-estimer les soucis de nos amis ouvriers et salariés, mais j’ai juste envie de leur dire que je ne suis pas très sûr que c’est avec seulement ces balades programmées sous un soleil printanier qu’ils vont avoir gain de cause.
Oh non, qu’ils ne me demandent surtout pas quelles seraient les solutions car ce n’est pas du tout mon rayon. Par contre, si j’ai un conseil à leur donner, c’est de ne pas trop compter sur leurs dirigeants pour améliorer leur situation car tout honnêtes qu’ils sont ou qu’ils peuvent être, ils sont toujours obligés de faire dans la stratégie et dans la tactique et, donc, dans le jeu de la politique. Et, hélas, qui dit politique dit souvent…
faire marche arrière ou changer d’avis. Cela étant dit, une bonne marche conviviale avec les amis de fortune, c’est bien mieux qu’une petite balade en solitaire.
Alors, je n’ai plus qu’à souhaiter un très bon week-end à tous les marcheurs et à toutes les marcheuses que ce soit pour une cause ou juste pour la forme. Quant aux autres…
Un dernier mot pour rigoler un peu : A force de mettre la caisse de compensation à l’index, elle va finir par disparaître toute seule.