Chroniques

Mieux vaut en rire: La politique est amnésique…

© D.R

Avant d’entrer dans le vif de mon sujet, je vais vous redire ce que vous savez déjà : j’adore me marrer des gens qui jouent tout le temps les moralisateurs, les donneurs de leçons, les redresseurs de torts etc., mais dès que le vent tourne, ou bien, dès que eux-mêmes tournent casaque, ils deviennent aveugles, sourds et muets.

Vous allez me dire que c’est normal, que c’est ça la politique, que s’ils gardent intacts et immuables leurs principes et leurs positions, ils risquent de rester éternellement à la même place… Tout ça, je peux le comprendre, mais il y a des fois où le revirement est si vif, si vite et si violent qu’il dépasse tout entendement. L’exemple que j’ai choisi pour illustrer ce phénomène universel, certes, mais qui, au Maroc, bat probablement tous les records, est un événement qui a eu lieu il y a plus de 11 ans. Il s’agit d’un simple événement artistique qui s’était transformé bizarrement en une très grosse protestation politique, menée à l’époque par des grands activistes de «la société civile» et du monde politique avec à leurs têtes notamment des ténors du parti arrivé en tête aux dernières grandes élections, dont certains sont même aujourd’hui au gouvernement.

Je ne voudrais pas vous faire trop languir et vous dire qu’il s’agissait d’un spectacle du grand imitateur et chansonnier français Laurent Gerra, un spectacle qui a été appelé à être boycotté, ensuite, a été chahuté, et, enfin, a été carrément annulé. Pourquoi ? Parce qu’on l’avait accusé d’être, je cite, «un artiste sioniste partisan du criminel de guerre et bourreau des enfants et du peuple de Palestine Ariel Sharon». Rien que ça !

Je m’en souviens comme si c’était hier. Des dizaines de manifestants criaient et gesticulaient poings levés et pancartes soulevées. Ils étaient encadrés par des forces de l’ordre qui avaient installé des barricades devant le célèbre complexe cinématographique de la Corniche de Casablanca, pour permettre, en vain, au public d’accéder à la salle. Or, j’ai appris quelque temps après par un ami que cet appel au boycott était juste une boutade lancée par un plaisantin et qui avait fait tomber tout ce bon monde prompt à manifester sur tout ce qui bouge dans le panneau.

Oui, c’est ridicule, mais à cause de cette mauvaise blague, tous les cafés, glaciers et restaurants de la Corniche sont restés sans clients, tout ce soir-là et toute cette nuit-là.

Et à ma connaissance, aucune indemnité ne leur a jamais été versée. Si je vous reparle de ça, plus de onze ans après, c’est que Laurent Gerra, cet immense artiste qui a plus d’une voix dans ses cordes, devait se produire hier, jeudi 25 septembre, au même lieu et à la même salle. Et si j’ai choisi de ne pas en parler plus tôt c’est pour éviter de donner des idées à certains même si je suis sûr que personne ne va oser refaire la même bêtise et ce, notamment, pour les raisons que j’ai évoquées au tout début de cette chronique.

Pourtant qu’est-ce que j’aurais bien aimé que quelqu’un, tenez, par exemple de l’opposition, repose la question au parlement à un des protestataires qui était sur place à l’époque, et qui est aujourd’hui un illustre ministre, pourquoi il n’a pas fait rebelote cette fois-si, lui demande si Laurent Gerra n’est plus «sioniste» à ses yeux, et tant qu’à faire, l’interroge sur se qu’il compte faire pour dédommager toutes les victimes de cette risible rigolade qu’il vaut mieux oublier à jamais.

En attendant, je souhaite à toutes les amatrices et à tous les amateurs des bons humoristes et des bons imitateurs un très bon week-end. Quant aux autres…
Un dernier mot sous forme de devinette pour rigoler un peu : à quoi sert de sortir un radar qui ne marche pas quand celui qui l’a installé n’est plus là ?

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