Un vieux dicton marocain – en fait, je ne suis pas très sûr qu’il soit vraiment marocain – nous dit : «Tu vis un jour, tu entends une info» (traduction mot à mot). Justement, ce matin, alors que je prenais mon petit déjeuner, et entre une bouchée de pain complet à l’huile d’olive d’Ouezzane et une gorgée de thé à la menthe de Tamaris, qu’apprends-je à la Une de notre confrère arabophone Akhbar Al Yaoum ?
Que ni notre délicieux couscous ni notre magnifique caftan marocain ne l’étaient réellement.
Oui, vous avez bien lu : ils ne sont pas marocains. Voilà le type d’infos que personne d’entre nous n’a envie d’apprendre ni de voir, même dans un cauchemar. C’est absolument incroyable et pourtant c’est très certainement vrai. D’ailleurs ce n’est pas n’importe qui qui nous l’apprend. C’est la très charmante Neila Tazi, mon ex-consoeur et néanmoins toujours amie (Je suis un peu fâché, mais je crois que ça va passer).
Pour ceux et celles qui ne la connaîtraient pas encore, Neila n’est autre que la fondatrice et la maîtresse d’oeuvre du festival unique au monde des Gnaouas. En effet, dans une interview à ce journal, elle nous confie son désarroi et sa tristesse de savoir, ce que personnellement je ne savais pas, que c’est l’Algérie, notre voisin et perpétuel antagoniste, qui a inscrit à la fois notre grande fierté vestimentaire, le caftan, et notre grand trésor culinaire, le couscous, au patrimoine universel de l’UNESCO, en son nom !
C’est inouï, n’est-ce pas? Je sais que beaucoup de nos responsables étaient des têtes en l’air, et le sont toujours, mais pas au point de commettre un tel délit d’amnésie caractérisée. Je ne sais pas qui est le ou la coupable, mais je serais pour qu’on lui coupe les vivres pour le restant de sa vie. Pis : qu’on le prive de couscous, si c’est un homme, et de caftan si c’est une femme et ce, ad vitam æternam, pour avoir des trous de mémoire là où il ne faut pas et surtout de manquer autant de sursaut patriotique. Vraiment, ils ont de la chance que je sois foncièrement contre la peine de mort, comme d’ailleurs tout droit-de-l’hommiste qui se respecte.
Bon, maintenant que le mal est fait et qu’on ne peut plus revenir en arrière, Neila recommande vivement aux concernés et pas forcément intéressés tant qu’ils n’y voient pas d’intérêt, de s’empresser tout de suite pour aller illico presto inscrire nos formidables Gnaouas et leur musique palpitante exceptionnelle, mais cette fois-ci au nom du Maroc qui doit être probablement le pays qui les honore et les adore le plus. J’espère que l’appel de Neila va être entendu, sinon il va falloir qu’on se fixe un jour, de préférence un weekend, et on organise un sit-in devant le Parlement.
On pourrait demander le soutien actif des diplômés-chômeurs qui ont une expérience acquise dans le domaine des assises. Pour une fois, leurs gueulantes pourraient servir à quelque chose. Ce qui serait encore plus sympa, c’est qu’on ramène deux ou trois bonnes troupes de gnaouas avec un ou deux bons maâlems, et comme ça on pourra faire un boucan d’enfer, tout en faisant une fête de tonnerre. Après, si même avec ça, on ne nous entend pas, ou bien qu’on nous entend mais on ne fait rien, je vous jure que je vais prendre, à mes frais, un vol direct pour Alger, et au risque d’être poursuivi pour trahison à la nation, je vais souffler l’idée aux Algériens.
Je pourrais même en profiter pour leur suggérer de prendre à leur compte également notre inégalable «rfissa», notre inénarrable «baddaz», et même le superbe Sombrero à pompons si cher à mes illustres ancêtres du Nord. Après tout, comme pourrait dire un sage philosophe que je ne suis pas,: «un patrimoine n’appartient pas à celui qui le possède, mais à celui qui l’aime».
En attendant, je souhaite à tous les amoureux et à toutes les amoureuses de notre patrimoine universel un très bon weekend. Quant aux autres…
Un dernier mot sous forme de devinette pour rigoler un peu : pourquoi on veut absolument nous faire croire que pour enrichir les pauvres, il suffit de taper aux portefeuilles des riches ?