Chroniques

Mieux vaut en rire : Mais où sont passés nos intellos?

© D.R

Je me souviens, il y a, disons, pas mal d’années, nous vivions dans une époque pas si glorieuse ni pas très gaie non plus, une vie où, je le confesse, nous étions beaucoup moins libres qu’aujourd’hui, mais, malgré ces tares, nous avions l’impression de la vivre intensément. Comme chantait le poète, «je vous parle d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître», et, d’ailleurs, entre nous, personne d’entre nous n’a envie aujourd’hui de le leur raconter. Comme fredonnaient en chœur, en offrant leurs cœurs, d’autres poètes, «C’était le temps des fleurs, on ignorait la peur, les lendemains avaient un goût de miel…».

Non, détrompez-vous, je n’ai pas seulement un regard tendrement nostalgique envers un passé que je trouvais sympa, mais j’ai surtout le sentiment chronique que nous sommes rentrés dans une espèce de carapace hermétique et sélective qui ne laisse pénétrer que les ondes porteuses de bonnes nouvelles. Tout le reste doit rester à l’extérieur pour ne pas trop déranger notre petit confort égoïste personnel.

Quand je dis nous, je voudrais parler de ce qu’on appelle «les intellectuel(le)s». Oui, ils sont mâles, elles sont femelles, et normalement, sont singulièrement pluriel(e)s. Or, le problème, c’est qu’ils soient ils et qu’elles soient elles, les intellectuel(le)s ne sont plus là. En fait, si elles et ils sont, pour la plupart, toujours bien ici, en vérité, ils et elles sont bien ailleurs.

D’ailleurs, vous êtes tout-à-fait en droit de me demander ce que j’entends par ce terme tellement galvaudé d’«intellectuel», et je vais tenter de vous répondre. Il y a peut-être autant de définitions que d’intellos, mais le sens le plus approprié, à mon sens, pourrait être celui-ci : un intellectuel (ou une intellectuelle) est une personne qui a eu la chance d’être dotée par les Dieux et par la nature d’une intelligence très supérieure», et par l’histoire et la conjoncture d’une instruction très haute qui lui permettent de distinguer plus et mieux que tous les autres gens «normaux», entre le beau et le laid, le juste et l’injuste, le droit et l’arbitraire, l’acceptable et l’intolérable, la démocratie et la dictature, l’éthique et l’immoral, bref, pour résumer sans caricaturer, cette personne merveilleuse détient plus et mieux que les autres les outils pour bien discerner LE BIEN DU MAL.

Mais cette définition serait bien incomplète si on n’ajoutait pas que ce qui distingue les intellectuels du commun des autres mortels, c’est leur capacité à dire très haut ce que bon nombre d’entre vous n’osent même pas penser tout bas. Ces gens-là, monsieur, ces intellos, madame, non seulement n’avaient pas peur de dire ce qui ne va pas dans notre société, et même parfois, dans les autres sociétés, mais aussi, l’écrivaient dans leurs livres, le déclamaient dans leurs poèmes et dans leurs chansons, le mettaient en images et en scène dans leurs films et dans leurs œuvres, et même parfois, sans peur et sans crainte, sortaient pour le crier dans la rue ou sur les toits. Oui, mais tout cela, c’était avant.

Aujourd’hui, nos intellos à nous, se terrent dans leur tanière, bien au chaud, mais tremblant de trouille de crainte de se retrouver sans ressources. Ils n’osent même plus lever le petit doigt de peur qu’on leur pique leur portefeuille plein de compromissions.

Qu’on arrête un rappeur mal inspiré, qu’on mette en taule des jeunes pour un malheureux bisou volé, qu’on viole un enfant, qu’on violente leurs mères, qu’on harcèle leurs sœurs, ou qu’on utilise le pire des chauvinismes pour diaboliser leurs voisins, nos intellos, eux, ne sont plus là. Si jamais un jour, vous en croisez un, prière de ne pas le déranger.  Maintenant, s’il vous plaît, chantons tous et toutes ensemble: «C’était le temps de fleurs, on ignorait la peur…».

Bon week-end à tous et à toutes les nostalgiques. Quant aux autres…

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