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Péché d’orgueil et manque de recul

© D.R

Qu’on ne se leurre pas, ce qui arrive aujourd’hui était prévisible, à plus d’un égard. Décider de rouvrir les frontières de l’Europe avec l’arrivée de la saison estivale, montre à quel point l’argent du tourisme est de loin plus lourd que les menaces réelles et toujours très concrètes de la Covid-19.

Pire, les gouvernements du monde ne prennent même pas la peine de faire passer l’amère pilule en choisissant un autre timing, en préparant les opinions publiques des semaines à l’avance et en accompagnant ce type de graves décisions de tout un arsenal de communication tous azimuts et d’informations bien claires et précises pour expliquer aux citoyens pourquoi on décide d’un coup, du jour au lendemain, d’ouvrir les frontières et de relancer les vols aériens. C’est à croire que le danger lié au coronavirus se volatilise comme par magie pour ouvrir une parenthèse aux affaires du tourisme.
Autrement dit, le virus fait un pacte avec tous les pays du monde pour qu’ils profitent de la manne des touristes et qu’ils se fassent un max de pognon. Soyez tranquille, on peut ouvrir les aéroports, on peut attendre des millions de touristes assoiffés et affamés de liberté, qui peuvent enfin se déplacer en ignorant le virus. Et nous voilà fin août que la pandémie est plus virulente qu’avant, que le nombre de contaminés a explosé et que les morts se comptent encore et toujours par milliers. Parce que, c’est exactement ce qui va se passer avec des restaurants ouverts, des boîtes de nuit qui battent leur plein, des plages bondées, des hôtels affichant complet, des cafés où l’on s’attable en groupes serrés, le tout, évidemment, sans masque et sans distance minimale de sécurité. Sans parler de la débandade dans les terminaux pour sauter dans un avion, se caler à côté du voisin, lui aussi tout excité de voler vers un ailleurs où il oubliera la maladie, la peur et l’angoisse, avec, un peu de chance, il pourra rentrer chez lui sans passer par la quarantaine ou la case réanimation.

Avouez que c’est trop gros pour qu’on le passe sous silence. D’un côté, on prolonge les périodes de couvre-feu, et de l’autre, à l’approche de n’importe quelle festivité ou occasion marchande et commerciale, on ouvre les vannes et on attend de voir comment le virus va nous rappeler à la dure réalité, qui, elle, ne souffre aucune ombre : la pandémie continue de tuer par milliers chaque jour, partout dans le monde. Le virus de Covid-19 a entraîné plus de 180 millions de contaminations dans le monde et causé plus de 4 millions de décès au 28 juin 2021. Avec cette donnée très importante : les décès augmentent aussi dans des régions plus ou moins épargnées jusque-là, comme en Afrique (+11%). Avec cette autre précision : le variant Delta est aujourd’hui 40% plus transmissible que le variant Alpha. A ceci s’ajoute la situation dans des pays comme la France et l’Espagne, qui semblent oublier que le virus est plus mortel chez eux qu’ailleurs en Europe. A titre d’exemple : la France accuse presque 110.000 morts. L’Espagne, quant à elle, a dépassé les 80.000 morts.

Pourtant et Paris et Madrid décident de jouer avec le feu en relançant les affaires, la croissance étant la règle, même au temps du coronavirus. On ajuste les périodicités du danger en fonction des visions et des visées économiques, en pariant sur le hasard. Autrement dit, on ouvre les frontières, on accueille des millions de touristes, on ramasse le pactole et advienne que pourra. Un point de vue irrationnel et absurde, cynique et pragmatique, au vu du danger persistant qui menace encore tout le monde.

C’est à y perdre la raison, tout de même. Avec plus de 80.000 morts, avec une augmentation de cas contaminés par le virus de Covid-19, avec la mise en place il y a juste quatre semaines de lourdes restrictions sanitaires sur tout le territoire espagnol, à cause d’une montée en puissance des décès, voilà que le gouvernement de Madrid surprend tout le monde et décide de revoir ses cartes et de les redistribuer en décrétant, à contre-courant, contre toute logique et cohérence, faisant fi de tous les dangers liés à la pandémie, de rouvrir toutes les frontières du pays, y compris celles des îles Baléares et des îles Canaries. En l’espace de quelques jours, tout un pays, en connaissance de cause, prend sciemment la mesure de tout le manque à gagner durant la saison estivale, et ouvre les vannes, misant sur le hasard et le bon vouloir des esprits du coronavirus pour ne pas décimer les populations.
Autrement dit, si, sans touristes, avec toutes les frontières hermétiquement barricadées, l’Espagne compte plus de 4 millions de contaminés, avec quotidiennement des augmentations par régions allant jusqu’à 400%, quelle sera la situation, avec les dizaines de millions de touristes qui se ruent déjà sur le pays, qui reçoit habituellement plus de 45 millions de touristes par an ? Il ne faut pas avoir inventé le fil à couper le beurre pour voir la catastrophe sanitaire qui pend au nez de l’Espagne et de tous les autres pays, qui ont, comme par miracle, changé leur fusil d’épaule, à l’approche des vacances d’été. En effet, à compter de ce lundi, l’Espagne a décidé de changer toutes les règles de la gestion déjà inefficace de la crise de Covid. Le gouvernement de Pedro Sanchez a indiqué que les ressortissants étrangers qui voulaient se rendre sur le territoire ibérique pourraient le faire en présentant un simple justificatif de vaccination.

Autrement dit, on balaie d’un simple revers de la main toutes les complications et les casse-tête mis en place depuis février 2020, pour laisser la place libre aux affaires, au commerce, à l’économie et son impératif de croissance, coûte que coûte. Comme une mauvaise blague, voici le nouveau mot d’ordre : «Dès lundi, les passagers venant en Espagne pourront y accéder avec un test PCR, un test antigénique ou certificat de vaccination. Les excellentes données de vaccination nous permettent de continuer à avancer. L’Espagne est une destination sûre», a affirmé en fin de semaine Carolina Darias, la ministre espagnole de la santé. D’une destination très dangereuse, à une destination safe, en un clin d’œil, comme quoi, la loi de l’argent pèse plus lourd que la Covid, que les vies humaines, que les morts qui se comptent par centaines chaque jour. C’est dans ce sens que nos chers compatriotes devraient réfléchir plutôt deux fois avant de prendre un avion pour Paris ou pour la Costa Del Sol. Ce ne sont pas les endroits touristiques de premier choix qui manquent au Maroc.

Des plages sublimes, une nature variée, des paysages diversifiés, des niches touristiques adaptées aux vacances par temps de Covid, dans ce sens, qu’il faut privilégier les zones les moins fréquentées pour ne prendre aucun risque. C’est ce qui s’appelle voyager intelligent, et surtout sain et sauf. Avec, bien entendu, la conscience qu’il faut respecter les règles sanitaires en vigueur pour éviter le pire. Vous pouvez bien faire bronzette en mettant trois bons mètres entre votre serviette et celle de la voisine ; vous pouvez prendre un bon thé ou tout autre breuvage de votre choix en exigeant de rester loin des autres tables ; vous pouvez manger partout en observant le même protocole, à savoir de la distance suffisamment claire pour rester en vie. Idem pour la prière et pour le hammam. Idem pour les salles de sport : bien mesurer le danger en prenant ses précautions. Autrement, c’est jouer à la roulette russe.

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