Dans son avant dernière livraison, notre confrère français Marianne nous a sublimé, dans un édito signé Thomas Vallière, par une contradiction des plus apparentes, mais qu’il fallait trouver. La contradiction en question a trait à ce que propose Sharon&Co dans sa feuille de route. Première priorité : instaurer une réelle démocratie au sein de l’autorité palestinienne. Deuxième priorité : éliminer Arafat, président démocratiquement élu de l’autorité palestinienne en imposant un premier ministre, Abu Mazen en l’occurrence, plutôt conciliant à l’égard du bon vouloir israélo-américain. Cela va de soi qu’opter pour le primo revient à faire table rase du secondo et vice-versa. Cela va de soi également qu’Arafat, malgré tous les reproches qu’on peut lui faire, a été et sera toujours un représentant aussi légitime qu’unanime des Palestiniens. Le faire taire, c’est tuer dans l’oeuf un processus démocratique à peine entamé. C’est aussi donner raison aux actes parfois justifiés, parfois condamnables du Hamas et du Jihad Islamique. N’ayant pas pu jouer le rôle de tranquillisant de la résistance palestinienne, Abu Mazen se trouve, comme l’est Arafat, dans la ligne de mire de Sharon. C’est à lui qu’Israël impute la responsabilité des deux derniers attentats-suicide perpétrés dans les territoires occupés. Celui qui devait d’adjuger le principal rôle dans la mise à l’écart du président palestinien a de fortes chances d’être à son tour sacrifié sur l’autel d’une paix trop attendue, conditionnée, malmenée pour prendre racine. La feuille de route, quant à elle, a été rédigée par une encre israélienne, sur une table américaine. Cela suffit pour dire qu’il serait très difficile de la rendre lisible, encore moins crédible, aux yeux des Palestiniens désabusés, révoltés, finalement voués à leur sort, mais attachés à une cause que seul un natif de Gaza ou de Jenine est à même de saisir. C’est tout simplement leur cause. Le pays dont il est question est le leur. Mais entre ce que les revendications des Palestiniens et les plans qui leur ont été tracés par la sacro-sainte alliance américano-israélienne, il y a un mur à franchir. Des murs qui font office d’unique chantier, effectivement en construction. La paix, ce serait pour un autre jour, devant une autre série de faits accomplis. Ce serait dans le cadre d’une autre proposition, suite à d’autres pourparlers, précédés par d’autres attaques et contre-attaques et suivies par d’autres tentatives. La paix appelle le monde, mais ça sonne, toujours, occupé. Normal quand on prend en considération le bruit émanant des F-16 israéliens, occupés à canarder les responsables du Hamas, sous les haineux ordres de ceux-là mêmes qui se disent pour une fin définitive des hostilités. De quoi sonner le glas d’une feuille morte-née et annoncer encore un cycle dans une histoire qui, depuis cinquante ans, peut être résumée en un éternel recommencement.