Les Américains sont en train d’affronter trois niveaux d’insécurité en Irak à travers l’infiltration quotidienne de combattants venus de pays limitrophes, les attaques quasi quotidiennes contre la coalition américano-britannique et celles contre les infrastructures du pays, surtout les oléoducs et conduites d’eau. Sur le terrain, les forces de l’oncle Sam s’enlisent. Les quelque 150.000 militaires déployés doivent faire face à près de trente attaques par jours. Et, depuis mai dernier, près de 70 soldats de la coalition ont été tués. Une situation de blocage sur une montée de violence. Il est à redouter, maintenant, un embourbement de plusieurs années, même si personne ne veut invoquer une situation de guérilla avec l’argument que la population ne soutient pas les activistes. Face à cette situation de plus en plus difficile à contrôler, les Américains envisagent d’impliquer davantage l’ONU en la chargeant de superviser le Conseil de gouvernement transitoire irakien, installé le 13 juillet sous la houlette de l’Administration Bush, pour le doter d’une légitimité toujours contestée puisque personne ne veut la reconnaître formellement. L’initiative de Washington consiste à faire jouer aux Nations unies un rôle central à Bagdad. Mais, comment peut-elle le faire alors qu’elle vient de perdre sa crédibilité, en payant le prix du sang, dans l’attentat qui a coûté la vie à son représentant Sergio Vieira de Mello. Une agression qui est venue rappeler que l’ONU a durant douze ans imposé un embargo meurtrier à la population civile, qu’elle s’est montrée incapable de maîtriser les élans guerriers d’une poignée de ses membres et qu’elle a fait preuve d’une lâcheté coupable en retirant son personnel, ouvrant la voie à l’occupation américano-britannique. L’Organisation internationale s’est déjugée en Irak où elle n’est plus qu’une chambre d’enregistrement des décisions des Etats-Unis. Selon une citation en vogue à l’ONU, certains l’attribuent à Churchill, les Nations unies «n’ont pas été créées pour conduire l’humanité au paradis, mais seulement pour la sauver de l’enfer». Ce n’est pas vraiment ce qu’elle fait en Irak. Dans ce pays, elle n’a pas su préserver la population contre l’enfer de Saddam Hussein, ni contre celui des multiples guerres que le pays affronte depuis une trentaine d’années, ni contre les ravages d’un embargo inique, ni contre la rapacité des «libérateurs». Elle s’est tout simplement meurtrie dans l’enfer irakien.