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Petits votes entre amis

© D.R
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«La vérité du drame est dans ce pur espace qui règne entre la stance heureuse et l’abîme qu’elle côtoie : cet inapaisement total, ou cette ambiguïté suprême».

Saint- John Perse

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Par Dr Imane Kendili
Psychiatre-addictologue

Sidérante semaine ! Il est évident que le Marocain est un sprinter et non un marathonien. La politique et ses disciples sont des lièvres lâchés en lions dans l’arène. Les déclarations fusent et on court aux urnes. Il est évident que voter est un droit constitutionnel et qu’il est indéniable que voter soit un acte de responsabilité patriote. Mais ceci étant l’essence du postulat de base, je propose l’analyse de la réalité de terrain. Le comment est sidérant et l’image reste reine puisque cette semaine les bloggeuses et stars d’Instagram nous ont affublés de discours «responsables » en poussant au vote et non de marques de maquillages et du dernier lipfiller à ne pas rater. Ces sorties sont louables.

Cependant, restons vigilants quant à la motivation, en dehors bien sûr de redorer son image entre deux comprimés de benzo ou de codéine. La motivation n’est guère responsable, la motivation est émotionnelle. Le Marocain vote pour son ami, pour son voisin, pour son cousin. Il ne vote pas pour un programme ou un parti. La mouvance est d’ailleurs extraordinaire puisque moi-même je ne sais plus si mes amis qui se présentent sont dans tel ou tel parti. Le candidat au «changement» choisit son parti sur des pré-statistiques et non sur un idéal, une conviction ou un programme qui lui parle. Mieux encore, un parti choisit son candidat sur son réseau social. Il est clair que l’érudit politique du coin travailleur et engagé n’a pas le temps d’écumer les terrasses des cafés ou des bars en élargissant son réseau d’une manière ou d’une autre. J’ai reçu un coup de fil d’un ami que j’apprécie particulièrement il y a deux mois me sommant de le rejoindre dans son parti pour les élections communales. Un autre change de parti comme il change de chemise.

Mais la motivation est malheureusement ou heureusement la même : une pseudo immunité de parlementaire, des passe-droits et un salaire à vie. Nos candidats, pour certains en tout cas, cherchent leur sécurité émotionnelle ou financière mais aussi narcissique, en se proposant d’assurer la sécurité des autres. Ce qui me semble bien discordant. Les discours scandés sont les mêmes téléportés tous les 5 ans et les féministes se font pousser la barbe à nous barber de leurs disques rayés sans aucune avancée rationnelle puisque nous avançons à reculons quant aux droits de la femme, à son statut égalitaire de l’homme au travail (à diplômes et compétences égales), aux droits individuels, au droit à l’avortement… et j’en passe. Nous sommes aux mêmes discours des années 90 à vouloir protéger la veuve et l’orphelin lesquels depuis 30 ans se seraient protégés tous seuls avec moins de paroles et plus d’huile de coude. Je ne veux pas souligner le choix de jeunes filles tout droit sorties de Rotana TV pour distribuer les tracts un sourire aux lèvres. C’est la cour des miracles. La course aux sièges est lancée et une fois bien assis, les miches réchauffées, on verra bien comment gérer. L’anticipation n’est guère de mise pour certains en tout cas. Les coups de fil fusent et tous vos amis vous appellent pour voter pour eux tandis que votre cousin préféré vérifie que vous êtes à l’heure et que votre voisin vous attend à la porte. Le vote est émotionnel. Vote pour moi si tu m’aimes. Le summum de l’immaturité électorale. Un de mes jeunes patients m’a dit qu’il allait voter pour celui qui remettrait les cours en présentiel car sa guérison découlait de son retour en classe et en communauté estudiantine. Je l’ai trouvé plus responsable que bien des gens sains courant les rues à la recherche du parti qui tairait leurs angoisses et leurs culpabilités diverses.

A chacun son boulet! A la carte ! Du dogme religieux au socialisme capitaliste, en passant par les appartenances ethniques politiques. Nous cherchons une identité sans voir que la pluralité est notre identité. Notre richesse est dans la multiplicité et notre sécurité est dans l’acceptation et la maturité, non dans la discordance et la mouvance identitaire rationalisée. Le propre du Marocain est la raillerie. Nous rions de tout. Nous rions et blaguons de nos conditionnements, de nos choix, de nos douleurs sociales. Magnifique socle pour une affirmation de soi identitaire et pour une projection responsable marocaine et africaine. Maintenant, il ne reste plus qu’à grandir. Prochaine décennie à réfléchir et non à ressentir car l’émotion est impulsive et traitresse, plus amène aux lapsus à consonance sexuelle en plein Parlement qu’aux actes responsables probants.

«Pourquoi des mecs élus par nous pour faire ce qu’on veut, au lendemain des élections, font ce qu’ils veulent ?»

Coluche

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