Chroniques

Point de vue : Rester, bien sûr !

© D.R

Le talentueux Reda Dalil a lancé -en écrivant un article intitulé «Partir où rester»- un débat très intéressant, connaissant trop de personnes ressemblant à ceux qu’il décrit, je me garderai bien de trouver ses propos erronés, cela ne m’empêche pas pour autant de prendre exactement le contre-pied -de ce qu’écrit Reda.

Que dit-il en substance ? : «La fracture est telle que des milliers de Marocains éduqués ne se sentent plus chez eux dans ce pays. Leur tort: être allés à l’école, s’être appliqués, avoir voyagé, s’être civilisés, avoir appris des langues, vivre d’un métier qu’ils ont appris à la dure ? Leur faut-il céder au désir de partir en Occident, là où leur éducation, leurs études, leurs habitudes les intiment de voguer ? Cet écartèlement les tourmente, les hante. Eux, par la force des choses se sont ancrés ici, par le gagne-pain, par la rencontre amoureuse, par la famille, souvent par l’attachement aux parents, aux proches, mais cela suffit-il à hypothéquer une vie dans la frayeur du quotidien, des m’charmlines, des psychotiques qui sillonnent les rues sans surveillance. Leurs femmes doivent-elles se barricader dans des voitures devenues caissons hermétiques…/… Doivent-ils vivre au milieu des crachats, de la crasse, de la bile visqueuse qui ruisselle…/… Doivent-ils se regrouper, se détacher du grégaire, faire scission du groupe, se rassembler, former leur communauté ghettoïsée… Gros doute, grand dilemme, la fracture est grande, si grande qu’elle pose une question effrayante, faisons-nous toujours peuple. Quand on voit défiler sous ses fenêtres, un jour de match, des hordes de jeunes criant des insanités, s’assénant coups de poing, crachats, injures, se bousculant, hurlant à s’en fendiller le poumon…/…»

Je trouve effrayante cette façon de cloisonner en «eux» et «nous» notre population, et si je ne m’appesantirai pas sur les mots «hordes de jeunes » il n’empêche qu’ils résonnent en moi d’une manière péjorative qui confine à la relégation.

Le débat mérite d’être relevé tout d’abord parce que Réda Dalil est un acteur majeur de notre paysage mais aussi parce qu’il porte en son sein un réel danger celui de nous voir vivre dans une sorte d’apartheid qui ne dit pas son nom. Ainsi il y aurait d’un côté ceux qui «méritent» de vivre dans ce pays et qui sont contraints à le quitter et tous les autres qui ne seraient que des «gueux»?

Mais jusqu’à preuve du contraire les «mcharmlines», les «hooligans», les drogués, les délinquants sont une minorité dans notre pays, minorité agressive et porteuse de dangers, certes, mais ils ne sont pas «le peuple» !

L’immense majorité de notre population, y compris bien sûr la plus pauvre, la plus fragile, la plus démunie, est respectable, honorable, digne et ne demande -elle aussi- qu’à vivre dans la sécurité et le respect, au même titre que ces «Marocains éduqués» dont il parle.

Cette façon d’amalgamer, de montrer du doigt toute une partie des nôtres, cette manière de dédouaner tous ces Marocains «civilisés» de toute responsabilité vis-à-vis de nos concitoyens moins chanceux, moins nantis, me fait entrevoir le pire… Je suis un fervent militant du «vivre- ensemble» et quoi que l’on en dise, là aussi il s’agit bien de cela : bien sûr que «nous faisons peuple», bien sûr que nous sommes les mêmes, bien sûr que nous ne réussirons pas les uns sans les autres et il me semble évident que déserter «le navire Maroc» (car c’est bien ça) voue notre pays tout entier à l’échec. Réflexe normal me direz-vous que de «songer à soi d’abord», peut-être mais ce n’est pas ce que je pense, ce n’est pas ce que j’espère, ce n’est pas la solution.

Rester bien sûr !

Mais pas seulement ! Rester pour agir, rester pour être utiles à la communauté, rester pour tirer vers le haut l’ensemble de nos concitoyens, rester pour construire des passerelles entre toutes les composantes de notre société et non pas dresser des murs. Partir, c’est-à-dire franchir des frontières revient  à dire «après moi le déluge» !

Or nous sommes des milliers à correspondre aux qualificatifs que Reda Dalil emploie, ayant eu la chance de recevoir une éducation, un enseignement, une formation… valorisants, et qui sommes «du peuple», or nous choisissons d’être et de rester partie intégrante de ce peuple pour contribuer à ses côtés à bâtir une communauté de destin.

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