Pour les habitués du terrain, ce bidonville ne se distingue guère des autres lieux de mal-vie tels Bachkou, Akreuch, Aïn Khalouia etc. Mêmes baraques, mêmes sentiers poussièreux où s’écoulent les eaux usées, mêmes gosses jouant avc des riens, même jeunesse aux yeux «qui veulent y croire malgrè tout», même pauvre linge qui sèche sur des fils, mêmes poules qui picorent dans les détritus… bref même pauvre vie!
Ce fléau qui existe dans bien des pays, la France et les Etats-Unis ne nous ont-ils pas montré ces derniers jours leurs bidonvilles à eux : l’une par ses hôtels pourris où s’entassent des dizaines de familles défavorisées et l’autre par cette population cruellement touchée par une tornade, livrée à elle-même; ce fléau donc, le Maroc s’y est attaqué résolument depuis plusieurs années. L’INDH -projet de règne, tel qu’il a été baptisé par Sa Majesté le Roi lui-même- arrive dons aujourd’hui en point d’orgue au travail entrepris pour l’éradication de la pauvreté, de la précacité, de l’exclusion, de la relégation… Et justement le Souverain était présent ce mardi pour le lancement du programme INDH à Casablanca. A 11 heures du matin, aux portes du Douar Skoum, aucun protocole donc, juste ce qu’il faut de respect et de décence pour accueillir un Chef d’Etat : peu d’officiels, des responsables associatifs, la presse mais surtout la population venue en masse : des mères de familles, des gosses et enormèment de jeunes. On voyait bien à leurs visages et en écoutant leurs propos qu’ils vivaient un grand moment. Et effectivement, ponctuel, conduisant lui-même sa voiture, Sa Majesté est arrivé -accompagné de SAR le Prince Moulay Rachid- pour écouter attentivement les explications fournies sur le programme INDH casablancais. C’est au moment du départ, qu’en vérité a eu lieu la «vraie visite» : faisant ouvrir les barrières, Sa Majesté s’est engouffré au volant de sa voiture au cœur du bidonville… le premier moment de stupeur passé, la foule s’est alors précipitée pour rejoindre le Souverain et SAR le Prince Moulay Rachid qui avancaient à pieds dans le profond du Douar Skoum : youyous, cris de joie, fierté, reconnaissance, paroles d’éspoir, remerciements… tout s’est alors entrechoqué ! Il faut avoir vécu ce moment magique, pour comprendre la portée du geste : ces Marocain (es) que si peu de gens visitent, ces «citoyens des bidonvilles» se sont soudain sentis vivants. Aucun mot, aucune image, aucun commentaire de nous tous qui ne vivons pas ces conditions, ne pourront rendre avec exactitude les sentiments qui ont traversé le cœur, l’esprit, les yeux… de nos concitoyens du Douar Skoum et par procuration de tous ceux qui subissent la même mal-vie.
Personnellement j’ai vécu un moment d’une rare intensité ; aucune «belle soirée» aucun superbe spectacle, aucun séjour de rêve… ne peuvent procurer cela : ce sentiment d’avoir vécu un moment magique où le Premier personnage d’un Etat et la frange de la population – dont il a la charge – la plus défavorisée communient dans un même esprit.
L’esprit de l’INDH, l’essence même de l’immense chantier qu’il nous incombre à tous de réussir, étaient là ce mardi 13 septembre, à Douar Skoum!