Chroniques

Quand Washington cible Alger !

Mustapha Tossa Journaliste éditorialiste

Depuis de longues années, la relation entre Alger et Washington ne vit ni au bord d’un long fleuve tranquille, ni une oasis verdoyante. La tension et la méfiance sont ses principales caractéristiques.

Alors que le régime algérien se préparait à se pavaner sur la scène régionale et internationale pour célébrer l’illusoire puissance d’appartenir de manière provisoire au Conseil de sécurité comme membre non permanent, il vient de recevoir un grand coup sur la tête porté par l’administration américaine. Washington vient de classer l’Algerie sur une liste restreinte de pays à mettre sous surveillance spéciale internationale pour leurs violations répétitives et structurelles des libertés religieuses.
Cette liste comprend donc l’Algérie, l’Azerbaïdjan, la République centrafricaine, les Comores et le Vietnam. Ces pays sont ouvertement accusés par l’administration américaine de manquer lourdement à leurs engagements de protéger la liberté religieuse et d’élaborer des politiques et des stratégies qui la violent systématiquement. Dans l’arsenal judiciaire américain, cette situation oblige le département d’Etat américain à avoir une relation spécifique avec ces pays basée sur la suspicion et la pression permanente.

Depuis de longues années, la relation entre Alger et Washington ne vit ni au bord d’un long fleuve tranquille, ni une oasis verdoyante. La tension et la méfiance sont ses principales caractéristiques. La guerre entre la Russie et l’Ukraine en a été un des principaux révélateurs. Dans son bras de fer avec Moscou, Washington n’a pas pu compter ni sur le soutien ni même sur la neutralité du régime algérien. Au fil des mois de cette longue guerre meurtrière et coûteuse pour l’Europe et l’Amérique, Alger s’est révélé être un précieux soutien financier à la machine de guerre de Vladimir Poutine. Les gigantesques contrats d’armement que s’apprêtait à signer Alger avec Moscou ont profondément énervé les Américains au point qu’un certain nombre de députés américains avaient formulé au secrétaire d’Etat Anthony Blinken et même à la Maison Blanche la proposition d’envisager des sanctions internationales contre le régime algérien.

Cette méfiance américaine s’est confirmée sur le terrain après le constat des services de sécurité que le régime militaire algérien avait fourni une aide précieuse aux groupes paramilitaires russes Wagner pour l’aider à s’installer dans la région du Sahel permettant une mainmise de plus en plus grande de Moscou sur ces territoires africains. En plus de cette compromission avec les Russes, les Américains accusent le régime algérien d’entretenir des relations troubles avec les organisations terroristes qui s’activent tout au long de la frontière sahélienne de l’Algérie.

Le positionnement politique d’Alger sur d’autres conflits n’est pas pour plaire ni rassurer l’administration américaine. Engagée dans une stratégie politique pour tenter de contenir l’activisme déstabilisateur d’un pays comme la République islamique d’Iran, la diplomatie américaine a trouvé là aussi le régime algérien comme un allié régional de cet Iran craint et honni. Alger est régulièrement soupçonné de servir de rampe de lancement pour permettre et conforter la pénétration de l’influence iranienne en Afrique du Nord et dans la région du Sahel.

Dans cette optique, le régime militaire algérien avait mis à la disposition de l’Iran les milices séparatistes du Polisario comme un instrument d’influence et de déstabilisation de cette région. Récemment, lorsque le leadership iranien, dans son bras de fer avec les Américains autour de la guerre israélienne contre la bande de Gaza, avait menacé de perturber le commerce international qui passe par le détroit de Gibraltar comme il le fait déjà sur le très stratégique Bab Al Mandab sur la mer Rouge, l’attention s’est automatiquement dirigée vers le régime algérien.

Vu la distance géographique qui sépare l’iran et Gibraltar, la conviction est née chez beaucoup, Européens et Américains, que cette menace iranienne de bloquer le commerce international par ce passage crucial entre la Méditerranée et l’Atlantique, pourrait être sous-traitée à son allié régional algérien. Ces nouvelles donnes ont fini par décrire l’image d’un régime algérien qui conforte son statut de «rogue state» comme le sont déjà l’Iran ou la Corée du Nord.

Cette pression américaine sur l’Algérie va se maintenir et s’accroître jusqu’à obliger le leadership algérien à réviser ses choix politiques et ses alliances diplomatiques. Déjà en crise ouverte avec de nombreux pays européens, maghrébins, arabes et africains, le régime algérien vit une situation d’isolement et de solitude qui pourrait mal supporter cette charge américaine. Ce paramètre américain intervient aussi dans un contexte politique algérien où le système militaire cherche à prolonger le mandat pour le président Abdelamajid Tebboune. Il pourrait accentuer les contradictions et donner naissance à des évolutions politiques algériennes inattendues.

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