Chroniques

Quel nouveau visage du diplomate de demain ?

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Le diplomate idéal, indépendamment de toute contrainte, est celui qui se dévoue, inexorablement, pour défendre les intérêts suprêmes de son pays et qui aime, fougueusement, son métier, pour l’exercer dans l’excellence et dans un patriotisme démesuré, avec un goût prononcé pour le voyage et l’aventure.

Fonction à hautes responsabilités et à exigences élevées, le diplomate est souvent perçu de l’extérieur comme un fonctionnaire choyé, un gentleman résigné non pas uniquement à vivre dans le luxe, mais un grand commis de l’Etat qui jouit d’un statut spécial, lui conférant des privilèges et des immunités diplomatiques (inviolabilité, immunités de juridiction et fiscales), conformément aux textes internationaux, notamment les conventions de Vienne de 1961, 1969 et 1975.
En somme, cela n’est pas complètement faux, mais, en même temps, il s’agit d’un métier contraignant, exigeant de lourds sacrifices.
L’attrait de travailler à l’étranger est profusément contrebalancé par de nombreux désagréments.
Ce n’est pas un faste pour les enfants qui doivent faire face à de fréquents changements de culture, d’école, de maison, d’entourage et d’habitudes, pouvant affecter la psychologie du couple et de la famille.
Il en est aussi des risques physiques ou d’image, liés à des situations de guerre, de conflits armés ou encore de relations corsées avec le pays hôte, lesquels représentent la toile de fond de la vie quotidienne du diplomate.
En effet, le nombre de pays où les tâches sont exercées dans des conditions ardues s’accroît d’année en année, ce qui réduit, à terme, l’attrait pour les services de carrière.
Dans une autre mesure, le diplomate est censé étendre ses activités dans un large champ d’actions, l’incitant à brousser ses pas dans différents types de sentiers, parfois dangereux, où vigilance et veille sont ses maîtres mots et le secret de sa réussite.
Ceci étant, le diplomate idéal, indépendamment de toute contrainte, est celui qui se dévoue, inexorablement, pour défendre les intérêts suprêmes de son pays et qui aime, fougueusement, son métier, pour l’exercer dans l’excellence et dans un patriotisme démesuré, avec un goût prononcé pour le voyage et l’aventure.

L’art d’être diplomate

A l’aune du troisième millénaire, le diplomate idéal est celui qui arrive à s’acclimater, en un rien de temps, à une variété d’environnements, en intégrant à sa fiche de fonction des tâches telles que celles assignées à un journaliste d’investigation, à un analyste en veille stratégique ou encore à un officier de renseignement.
Un chef de mission devrait être en mesure de superviser, à un même niveau de perfection, une ambassade dans un pays de l’Union européenne, un consulat général en Afrique de l’ouest ou un bureau de coordination au Moyen-Orient.
D’une part, il faut aimer son métier pour le pratiquer dans l’excellence. D’autre part, la qualification pour l’exercice de toute profession nécessite un minimum de prérequis et d’attitudes : deux critères d’évaluation à retenir dans le choix de tout diplomate.
Autrement dit : comment s’enthousiasmer pour travailler quand la motivation fait défaut dans des activités que l’on n’aime pas faire ; d’où l’intérêt de bien sélectionner, avec le plus grand soin, les ambassadeurs et les diplomates de haut rang.

La fonction du diplomate appelée à s’élargir

L’un des plus vieux métiers du monde est constamment en évolution, encore plus à notre époque, avec une compétition acharnée sur la scène internationale entre acteurs étatiques introduits à travers des médias, des multinationales, des ONG et des associations. Il en est aussi du numérique et des technologies de l’information qui influent sur le cours des événements en relations internationales, permettant au diplomate de recueillir l’information à la seconde près et d’être présent, à un même instant, sur plusieurs terrains de négociation et d’influence.
C’est ainsi que le diplomate se doit d’avoir une bonne culture du cyberespace, à même d’être, constamment, à l’écoute de l’évolution des usages et des rôles, face à une véritable révolution numérique.
La réactivité du diplomate au niveau des réseaux sociaux, champ d’échange privilégié pour sa profession, devient vitale.
Aussi et face à un foisonnement d’actes de désinformation et de manipulation des politiques étrangères, le diplomate est contraint de prendre, au grand sérieux, cette nouvelle donne qui risque, à tout moment, de le désacraliser.
Ces changements de paradigmes ont complètement bouleversé le métier de diplomate, l’incitant à devenir polyvalent, apte à travailler sur le terrain et au sein d’un bureau.
Négociateur averti, doté d’une discrétion à toute épreuve et d’une excellente capacité de communication, avec une bonne connaissance des liens historiques avec le pays d’accueil, le diplomate modèle est aussi le gardien des bonnes manières.
Des missions et des rôles de plus en plus spécifiques, abondants et changeants, requérant d’infaillibles qualités humaines et aptitudes professionnelles, en termes de connaissance, d’agilité, d’engagement, de discrétion, de discipline, de sagesse, d’éthique et de performance.
Autre point important : la dichotomie entre corps diplomatique et corps consulaire n’a plus lieu d’être et il serait, vivement, recommandé de procéder à une fusion des deux carrières.
Administrer un consulat général dans une importante ville économique nécessite des qualités aussi importantes que celles attendues pour conduire une petite représentation diplomatique.
Ce qui impose, indéniablement, une mise à jour des fiches de fonctions des différentes catégories de diplomates, une revue du système de carrière, ainsi qu’un examen méticuleux des principes et des procédés qui organisent le recrutement, l’engagement et la gestion du personnel diplomatique et consulaire.

Importance d’un code de déontologie du diplomate

Le diplomate est souvent convié à prendre part à des cocktails et des dîners, des occasions, où les boissons alcoolisées sont souvent permises.
Jusque-là, tout va bien, car c’est en pareils moments où peuvent être préparés les grands dossiers.
Mais attention aux excès d’alcool qui emportent le buveur dans l’ivresse, lui soutirant des informations secrètes ou l’utilisant comme appât pour alimenter les médias.
A cet égard, les exemples de diplomates des quatre coins du monde, impliqués dans des affaires de mœurs, ne manquent pas, sauf que dans la plupart des cas, il s’agit d’épisodes classiques d’espionnage ou de méthodes visant à porter préjudice à la bonne réputation d’un pays à l’étranger.
Pour couper court, il «vaut mieux prévenir que guérir», en produisant, indépendamment du statut général des fonctionnaires du département des Affaires étrangères, un code d’éthique, de déontologie et de bonne conduite, à faire signer par tous les diplomates, tout en programmant, à fréquence régulière, des actions ciblées de formation et de sensibilisation, en présentiel, à distance ou en hybride.

L’ambassadeur et l’écriture

Aucun diplomate de haut rang ne démentirait l’importance d’une bonne plume dans l’exercice de sa mission à l’étranger. A l’instar d’un auteur, d’un écrivain ou d’un journaliste qui ne peuvent pratiquer leurs métiers, en l’absence d’une telle qualité, ceci est d’autant plus valable chez un ambassadeur.
Le travail d’écriture chez un diplomate de haut rang, particulièrement chez un ambassadeur, occupe une place capitale dans son agenda car celui-ci participe, régulièrement, à des réceptions, prend part à des conférences, mène des entretiens, ce qui l’oblige à rédiger, à intervalles réguliers, différents types de rapports (rapports sur l’économie, la politique, la sécurité, la santé, la culture ou encore sur les droits de l’Homme dans le pays hôte, …).
Loin de son image habituelle de simple messager, l’ambassadeur ne se limite plus à une simple transmission de données brutes, mais il se doit d’y apporter une véritable valeur ajoutée en termes de synthèse, de mise en perspective et de hiérarchisation des informations.
Ce qui permet d’éclairer les décideurs sur les choix qui s’offrent à eux, pour une meilleure prise de décision.
En définitive, il est indispensable que les autorités publiques reconnaissent la particularité de la fonction du diplomate, afin d’initier les réformes nécessaires, dont celles, respectueusement, évoquées ci-dessus. Ce qui contribuerait, grandement, à l’accélération de la mise en œuvre et l’aboutissement de la vision, sage et éclairée, de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu l’Assiste, en matière de politique étrangère..

Par Yassir Lahrach

Docteur en droit/Expert en intelligence économique Analyste en stratégie internationale/Auteur du concept d’intelligence diplomatique

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