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Quelle place pour la femme après le coronavirus ?

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Plus personne ne se mouille pour défendre la femme marocaine. La femme marocaine cuisine. La femme en mère nourricière retrouvée. La femme marocaine fait l’école à la maison. La femme en mère-enseignante modernisée. Les tâches domestiques augmentent. La pression monte.

Par Dr Imane Kendili
Psychiatre-addictologue

La question qui me préoccupe est simple. Elle ne souffre aucune ombre. Quelle place pour la femme marocaine demain après le confinement, après le coronavirus, après la pandémie ?
Depuis février dernier, mes élucubrations m’emportent vers une réflexion qui m’enracine au lieu de m’élever.
Depuis 20 ans, la femme marocaine s’est battue. Elle a été combattue également.
Avant le coronavirus, les mouvements féministes se faisaient entendre. Depuis 2004 et la nouvelle Moudawana, une montée en puissance des rêves et des projections d’une femme marocaine a affirmé une femme ayant toute sa place dans un Maroc où plus rien ne pouvait se faire sans elle. Le cheminement s’ancrait dans l’obtention d’avancées concrètes.
Le Maroc a ratifié depuis plus de 25 ans la Convention contre la torture et les traitements inhumains, mais les certificats de virginité sont toujours délivrés avec un nombre d’examens barbares indignes pseudo-médicaux ; sans oublier le nombre d’avortements quotidiens qui se monterait selon certaines sources statistiques à 1.200 par jour. Le printemps des libertés individuelles s’annonçait cette année en ligne directrice spontanée du printemps de la dignité de 2019. Le droit de disposer de son corps était au cœur des revendications, on réclamait la refonte globale de la législation pénale en la conformant aux engagements internationaux du Maroc et à la Constitution de 2011. Les mouvements associatifs plaidaient pour un transfert du code pénal au code de la santé avec les articles sur l’interruption volontaire de la grossesse (IVG) et l’abrogation des articles 490 à 493, concernant les relations sexuelles hors mariage, est réclamée haut et fort par l’ADFM.

Covid-19 et confinement. Plus rien. Silence radio.

La femme n’est plus sujet de rien. La parité et l’équité ne sont plus à l’ordre du jour. Les libertés individuelles sont ramenées à leur définition primale. Le droit à la vie, le droit à la santé. Retour à un archaïsme valeureux où le mot liberté lui-même change d’étymologie pour s’adapter et la femme est cette fois libre d’être enfermée pour vivre. Retour à une famille nucléaire préhistorique, abrogation du lien social et refonte d’un tissu asocial où la femme technologique «libre» s’étale et étale ses attributs en esclave ultramoderne. La discordance s’installe et les injonctions contradictoires font rage dans un monde à l’opposé de ses réclamations. L’image est reine et le média est vecteur viral de corps étalés, de perfection filtrée, d’oralité démesurée, de masques tartuffiens sensualisés, ou quand la parole s’impose, d’odes à la beauté revisitées ou recettes capturées de réalisations culinaires partagées.

Plus aucun étendard. Plus personne ne se mouille pour défendre la femme marocaine. La femme marocaine cuisine. La femme en mère nourricière retrouvée. La femme marocaine fait l’école à la maison. La femme en mère-enseignante modernisée. Les tâches domestiques augmentent. La pression monte. Les charges sont assurées par les femmes en période de confinement 3 fois plus que les hommes. Sans rémunération aucune. Sans valorisation aucune. Et modernité oblige, la femme doit continuer à travailler et assurer ses tâches professionnelles de chez elle. Ainsi, la balance regroupe en un temps record les désavantages de la tradition et la modernité dans un même moule. Les avantages d’une pseudo-sécurité financière et sociale assurée par le mâle dans une société archaïque où les avantages d’une femme moderne responsable et active en société disparaissent. La cohabitation forcée renoue avec les valeurs patriarcales conditionnées et la femme participe à l’élan collectif et coud des masques made in Morocco. Les violences domestiques augmentent jusqu’à 40% dans certains pays, le Maroc ne déroge pas à la règle. La pandémie fait ressurgir les violences envers les femmes. La distanciation sociale fait ressurgir la différenciation sociale.

La femme retrouve les fragilités de décennies de lutte en quelques semaines, et les atavismes archaïques glissent sur les bancs des libertés sociales, politiques ou humaines de la femme marocaine. Le frein aux libertés individuelles est levé et une femme marocaine rétrogradée est déjà d’actualité. La femme se réappropriant son corps ne peut pas en faire grand-chose. Covid-19 a changé notre vie et l’exercice de certaines libertés revendiquées n’est plus à l’ordre du jour. Pas seulement, la crise économique annoncée par la pandémie s’annonce rude, et les écarts préexistants entre les sexes vont participer à creuser le fossé d’inégalités homme/femme au Maroc. Il est indéniable que la capacité de décision des femmes en sera affectée. Les opportunités économiques également s’affaisseront. Il y a des secteurs où la femme est surreprésentée, particulièrement les services ou le secteur manufacturier, mais pas seulement, car il faut souligner le secteur informel et les femmes chefs de famille.

Celles-ci ne sont pas que veuves ou divorcées ; elles sont également les mères courage à travailler pour des familles entières, l’époux au chômage, les enfants à entretenir et bien souvent la belle-famille également. Ces femmes journalières : femmes de ménage, serveuses, ouvrières, caissières… retrouveront-elles leurs emplois ? Quelle sera la place pour la femme sur le marché du travail ? La femme chef d’entreprise agonise au nombre de fermetures de PME depuis le confinement. La femme diplômée n’est pas plus à l’abri. Les inégalités salariales promettent d’augmenter malgré des qualifications marquées et une présence supérieure à celles des hommes dans les études supérieures.

La subsistance première de la femme dans le monde du travail est compromise, en sachant que ce pivot fragile qu’est le travail dans les sociétés dites en transition n’est que l’amorce d’une réelle émancipation et affirmation de la femme marocaine, de ses droits fondamentaux et de sa réelle participation effective à l’avenir du pays. Non par un ministère de la famille mais par un rôle de leader suivant les piliers érigés constructifs du futur probant des Marocains.
L’avènement du coronavirus compromet l’avenir de la femme sauf si elle se démarque, s’insurge, porte sa voix haut et fort et affirme la suprématie d’une vision féminine nécessaire au Maroc.

Montrez-moi ce sein que je ne saurais voir !!

Sortons de ce conditionnement précaire qui nous menotte à des préjugés désuets ! Le Maroc a besoin de la femme et l’adage qui clame que derrière chaque homme nous retrouvons une femme est une insulte ! Car la femme a toujours été aux origines. La femme est mère et donc génératrice première des générations futures et c’est en éradiquant la misogynie dont elle est à l’origine elle-même qu’elle connaîtra cette élévation. L’élévation vers un Maroc où la pierre philosophale est la femme dans toutes ses dimensions. Une pierre philosophale où la femme est femme, mère, épouse, sociologue, psychologue, revendicatrice, politologue ; ni égalité ni équité, juste vérité, car la femme ne peut être dignité de l’homme dans son entre-cuisse et sous-être sans cervelle dans un même temps.

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