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Quelles médiations entre le Maroc et l’Algérie ?

© D.R

Les dernières déclarations du ministre des affaires étrangères du Qatar ainsi que les échanges épistolaires entre leaders du Maghreb et ceux des pays du Golfe ont relancé l’idée d’une possible médiation entre le Maroc et l’Algérie.

 

La tonalité de cette médiation a été donnée par Majed Al-Ansari, conseiller du Premier ministre et du ministre des affaires étrangères du Qatar, qui avait affirmé que «les relations interarabes doivent être fondées sur la compréhension mutuelle, car Doha, avec son affirmation, est engagé dans tout rôle qui lui est demandé ou qu’elle peut jouer dans le cadre de cette vision liée à cette région ». Ce qui a été immédiatement perçu comme une prochaine implication du Qatar dans cette crise entre le Maroc et l’Algérie.
Comme à leurs habitudes, les réseaux sociaux se sont excités sur la possibilité qu’un pays comme le Qatar puisse relever le défi d’une médiation sur laquelle de nombreux pays, y compris ceux dotés d’une diplomatie efficace, se sont cassé les dents.
Dans ce contexte, le Qatar bénéfice de deux a priori positifs qui rendent cette démarche plausible. Le premier concerne les apparentes excellentes relations que Doha entretient avec le régime algérien. Les deux pays appartiennent à la galaxie de l’influence iranienne et ont développé une forme d’entente stratégique. Le second est la réputation confirmée par certains succès du Qatar, pays médiateur dans des crises chroniques et difficiles à régler comme le dialogue entre l’administration américaine et le régime des Talibans et les rounds de négociations entre Washington et Téhéran.
Le Qatar rêverait certainement d’accrocher à son palmarès une possible embellie des relations entre Rabat et Alger. C’est une cause qui vaut tous les investissements car elle garantit une brillante distinction arabe et une importante empreinte dans l’histoire des conflits. Sauf que cette possible médiation du Qatar entre le Maroc et l’Algérie est difficile à poser. Son succès équivaut à une véritable révolution culturelle dans la vision des rapports de force du régime algérien. Ce qui, aujourd’hui, paraît difficilement réalisable.
Avant même qu’elle ne commence, les paramètres politiques de cette médiation sont clairs et s’érigent comme autant d’indépassables défis. Le Maroc ne peut céder la moindre parcelle de sa souveraineté sur son Sahara et le régime algérien se doit d’abandonner ses rêves à la fois hégémoniques et abortifs qui passent par le financement des aventures séparatistes.
Même une réconciliation entre les deux pays qui commencerait par l’ouverture des frontières et le rétablissement des relations diplomatiques ne serait réellement effective que lorsque le régime algérien aura pris la décision stratégique d’abandonner le Polisario.
C’est pour cette raison que l’enjeu majeur qui se pose à tout médiateur dans cette crise est celui de convaincre les militaires algériens d’envisager de geler leurs financements militaires et leurs parrainages diplomatiques aux milices du Polisario qui ne tiennent en vie que grâce à ce goutte-à-goutte algérien. Le pays qui réussira à obtenir ce résultat de la part de l’institution militaire algérienne pourra prétendre à un triomphe de sa médiation avec le Maroc.
Car il est impossible de distinguer la normalisation des relations entre les deux pays maghrébins et le dossier du Sahara sans trouver une solution à cette discorde territoriale. La propagande algérienne a beau tenter de vendre l’idée que l’Algérie n’est pas partie prenante dans ce conflit. Elle ne leurre plus personne. D’ailleurs la source d’un des grands blocages internationaux sur la question est le refus d’Alger de reconnaître et d’assumer son rôle de partie prenante de la crise du Sahara.
Les pays qui ont jusqu’à maintenant tenté de réaliser une médiation entre le Maroc et l’Algérie ont buté sur ce fait distinctif de cette crise. L’enjeu de la discorde est un élément constitutif d’un des partenaires de cette crise. Le Polisario n’est pas une tierce entité sur laquelle il est possible de négocier. Il fait partie intégrante de l’arsenal militaire algérien mobilisé contre le Maroc. Éteindre le Polisario équivaut à amputer l’armée algérienne d’une de ses principales composantes et raisons d’être.
Pour toutes ces raisons, chaque fois qu’une médiation entre Rabat et Alger, l’enthousiasme n’est pas au rendez-vous. Tout le monde sait qu’il faut un miracle pour qu’une armée construite durant son histoire sur l’antagonisme avec le Maroc puisse avec cette facilité tirer un trait sur un héritage d’agressivité et de haines.

 

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