Chroniques

Qui pour stopper Marine Le Pen ?

Mustapha Tossa Journaliste éditorialiste

Loin d’être brillant ou d’avoir la capacité de susciter une adhésion unanime, le bilan contestable de Macron signe l’échec de sa gouvernance et souligne la nécessité d’une inévitable alternance.

Dans toutes les études d’opinion aujourd’hui en France, apparaît une inquiétante réalité. Si l’élection présidentielle a eu lieu aujourd’hui, Marine Le Pen, icône de l’extrême droite, est assurée de remporter l’Élysée. Ce constat est un gigantesque désaveu pour Emmanuel Macron qui avait fait de la lutte contre les idées de l’extrême droite et de la stratégie de l’empêcher d’accéder au pouvoir une mission cardinale.

Cette possible performance aujourd’hui confirmée par les faits ne veut pas dire forcément qu’elle sera une réalité demain. L’opinion qui la confirme aujourd’hui n’est pas encore sous la pression des feux de la campagne électorale. À trois années d’un scrutin présidentiel, difficile de trancher que les enjeux et les trajectoires sont déjà fixés. Le ressenti aujourd’hui influencé par les aléas d’une conjoncture politique bien précise ne sera, diront les plus optimistes, pas forcément le même le jour où les Français auront à faire des choix décisifs et à décider du destin de leurs leaderships.

Ces suspicieux acharnés misent sur la permanence d’un plafond de verre qui empêcherait l’extrême droite en France d’arracher une majorité de voix. Ils ne sont nullement influencés par les opérations de maquillages politiques auxquelles Marine Le Pen s’est livrée pour réaliser une sorte de mue et s’octroyer une nouvelle image. Les plus angoissés parmi les Français face à l’hypothèse d’un succès de l’extrême droite font apparaître trois éléments essentiels qui différencieront le scrutin de 2027 de celui de 2017 et qui suscitent les espoirs au sein des rangs de l’extrême droite et une vive inquiétude ailleurs.

Le premier est le bilan d’Emmanuel Macron. Loin d’être brillant ou d’avoir la capacité de susciter une adhésion unanime, ce bilan contestable signe l’échec de la gouvernance Macron et souligne la nécessité d’une inévitable alternance. Ce bilan contestable est affaibli par le fait que le président sortant, Emmanuel Macron, ne peut le défendre car la Constitution lui interdit d’entreprendre un second mandat. Qui donc pour défendre le bilan face aux multiples critiques de l’extrême droite ? Certainement pas la droite républicaine qui avait souffert sous Macron d’un affaiblissement historiquement et d’une cannibalisation de ses ressources humaines. Encore moins la gauche française qui avait vu son périmètre d’influence réduit comme une peau de chagrin à cause d’une stratégie de captation politique. Sorti des rangs de la gauche socialiste de François Hollande, Emmanuel Macron s’est affranchi par une volonté de tuer le père.
Le second élément qui explique cette inquiétude française est l’absence de personnalités dans les galaxies de gauche comme de droite capables de porter les espoirs d’une alternance à Macron. Les républicains sont toujours en deuil de Nicolas Sarkozy et n’arrivent encore pas à trouver «le mâle alpha» politique qui pourrait concrétiser leurs espoirs de revenir au pouvoir. Entre un Laurent Wauquiez évanescent et un Édouard Phillipe sans grande structure de soutien, le parti des républicains ne semble pas en mesure aujourd’hui de produire un leadership alternatif.

Si à droite il y a une pénurie de vrais chefs qui dominent par leur charisme, à gauche l’embouteillage des egos paralyse le principe même d’unité indispensable pour rassembler les structures de la gauche sous une même bannière. La gauche française d’aujourd’hui apparaît comme un assemblage de roitelets et de baronnies incapables de s’entendre et d’offrir une alternative à Emmanuel Macron.

Le troisième élément qui distingue 2017 d’aujourd’hui est la présence dans le paysage français de groupes médiatiques influents qui ont volontairement mis leur talent au service du projet d’accès de l’extrême droite au pouvoir. Ces groupes qui appartenaient jadis à une niche confidentielle se sont transformés aujourd’hui en médias mainstream dont la mission est de préparer les esprits à accepter comme une fatalité l’arrivée de Marine Le Pen au pouvoir. D’où leurs tendances névrotiques à ne focaliser leur attention et celle de leur public que sur des thématiques qui engrangent de l’influence et de l’adhésion aux thèses de l’extrême droite.

Ces groupes médiatiques qui appartiennent à des cercles économiques importants se sont transformés en communicants de Marine Le Pen, avec la mission assumée de dédiaboliser l’extrême droite et de la vendre aux Français comme une force politique comme les autres. Ce paramètre peut, à n’en pas douter, faire la différence le jour où la bataille du choix décisif se posera pour arracher la plus haute fonction de l’Etat.

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