Chroniques

Rdat lwalidin (la bénédiction des parents)

© D.R

Désarroi
Nos jeunes sont capables de beaucoup de résilience, de patience et contrairement à ce qui se dit couramment, la majorité d’entre nous n’ambitionne que de s’insérer socialement, il y a cependant une chose qui est capable de «faire peter un plomb» au plus endurant, au plus calme de nos jeunes: voir souffrir ses parents !

Distribution de cartables dans le cadre de notre « Opération Sco’lidarite », rencontres autour du foot… Depuis la rentrée les occasions de parcourir les quartiers se sont multipliées pour moi.
Les discussions se sont forcément enchaînées et une chose m’a frappé, même si bien sûr l’expression «Rdat Lwalidin» est couramment utilisée rarement je l’ai autant entendue. Et si cette expression est si souvent prononcée, cette fois-ci elle l’est dans un sens à la fois désabusé mais pas résigné : «il ne me reste plus que Rdat Lwalidin», en gros «je n’ai plus pour moi que la bénédiction – la satisfaction – de mes parents».

«Je n’ai rien d’autre, je ne crois en rien d’autre»… dite par des jeunes de 16, de 18, de 20 ans, cette phrase est en fait révélatrice de l’état d’esprit de notre jeunesse en perte d’espoir, de perspectives, de raisons d’y croire…
Ce que je relate là n’a rien d’anecdotique et devrait tous nous alerter. Hélas qui aujourd’hui peut ressentir ce climat, qui aujourd’hui peut relater ce mal-être ? Qui va à la rencontre de notre jeunesse, qui discute avec elle, l’écoute, répond à ses questions, à ses angoisses ?
Croyez-moi bien peu nombreux sont ceux qui «trouvent le chemin» des quartiers, qui en connaissent le pouls, qui prennent le temps de s’attabler à la terrasse d’un café où nos jeunes «tuent le temps», où sont ceux qui prennent le temps de participer aux activités d’une association locale, d’écouter les jeunes sur un terrain de sport de proximité… et pourtant…
Pourtant c’est là que se déroule le quotidien de tant de nos jeunes.

C’est ainsi que j’ai également compris que nos jeunes sont capables de beaucoup de résilience, de patience et contrairement à ce qui se dit couramment, la majorité d’entre nous n’ambitionne que de s’insérer socialement, il y a cependant une chose qui est capable de «faire peter un plomb» au plus endurant, au plus calme de nos jeunes: voir souffrir ses parents !
J’ajouterais même tout particulièrement voir souffrir sa mère !!!
Je n’ai lu cela nulle part, la psychologie de nos jeunes, leurs valeurs, leurs lignes rouges ne sont prises en compte par personne : on les traite comme un ensemble, comme un tout… en vérité il y a des jeunes qui composent des jeunesses et celle des quartiers est sûrement la plus méconnue, que connaît-on de leurs espoirs, de leurs craintes, de leurs rêves, sait-on qu’ils pleurent, qu’ils souffrent… connaît-on les ressorts qui motivent leurs réactions ? Or précisément Rdat lwalidin est un ressort puissant.

J’ai beaucoup appris de la manifestation devant l’hôpital Hassan II d’Agadir, les sanctions prises contre les responsables étaient non seulement nécessaires mais absolument indispensables.
Des femmes, des hommes, des plus âgé(e)s mais aussi des jeunes exprimaient leur mécontentement, leurs craintes et quelque part leur impuissance face à ceux que l’on respecte beaucoup dans notre société, dont le verdict est tout puissant : les médecins, les chirurgiens, les infirmières…bref le personnel soignant des hôpitaux.
On les respecte certes, mais on les craint car en même temps certains d’entre eux, méprisant le serment d’Hippocrate, font de notre santé, de notre vie une sorte de jeu à la roulette russe.
Les jeunes présents à cette manifestation n’étaient ni violents, ni injurieux, ils étaient désemparés face au sort réservé notamment à leurs parents -notamment mais pas seulement – puisque ceux-ci vieillissants sont par la nature des choses les plus susceptibles d’être les patients des hôpitaux.
Sait-on le désarroi d’un(e) jeune face à la maladie de ses parents, faut-il y ajouter la course aux médicaments, les files d’attente pour une radio, une IRM, l’achat de poches de sang… le cynisme, voire la négligence totale lorsque ce n’est pas le mépris pur et simple de certains personnels.

Que faire lorsque la santé de votre mère est à la merci d’un bakchich dont vous n’avez pas le plus petit dirham.
Bien des secteurs dans notre pays nécessitent encore de gros efforts mais Dieu merci nous ne nous le cachons pas et nous avançons, cependant celui qui marque à jamais l’esprit d’un jeune est bel et bien celui de la santé : voir souffrir ses parents et parfois les voir mourir non pas à cause de la maladie mais à cause du comportement odieux de ceux censés les soigner est une blessure qui ne se refermera pas.
J’ai senti tout cela de façon palpable chez nos jeunes (et ici je n’ai voulu traiter cela que du point de vue de la jeunesse), leurs mots sont gravés à jamais dans ma mémoire : «Nous avons pour soutien Rdat lwalidin et pour espoir Sidna» est leur leitmotiv.

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