Chroniques

Relations Maroc-France : Passons aux choses sérieuses…

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Ces derniers temps, le Maroc ne cesse de faire l’objet de manœuvres constantes d’hostilité de la part de la France qui cherche par tous les moyens à l’isoler et à lui imposer des sanctions européennes.

Pas la peine d’évoquer des épisodes marquants de l’histoire pour rappeler que la France a toujours entretenu des relations particulières avec le Maroc. Ce qui n’est pas le cas avec d’autres contrées où le colonialisme avait fait table rase des valeurs sociales et culturelles traditionnelles au profit de modèles étrangers.
Oublions l’époque coloniale car la majorité de la communauté internationale condamne cette violation de la dignité humaine et les peuples africains gardent en mémoire un mauvais souvenir. Mais il est tout aussi rassurant de croire des auteurs qui ont exhumé des pans entiers d’un passé dont on a progressivement découvert la richesse et la complexité. Toutefois – et ce qui est affligeant dans le contexte actuel – c’est que, malgré la constatation des injustices et des iniquités du passé, on semble vouloir, coûte que coûte, continuer dans la mauvaise direction, sous de nouvelles formes, de façon masquée ou éhontée. Mais ça, c’est la grave erreur à éviter puisque le présent et l’avenir se construisent sur la base de nouvelles règles, dans un monde unipolaire en intégration progressive – dominé et commandé par les Etats-Unis d’Amérique – et où deux grandes puissances (Chine et Russie) cherchent à affirmer au reste du monde leur autonomie et leur autorité.
L’Union européenne (UE, quant à elle, est sérieusement mise à mal par ce nouvel ordre mondial et son basculement vers l’Afrique et l’Orient. Le futur de cette institution communautaire devient – sans mauvais jeu de mot – illusoire. Ce déclassement de l’UE est mal pris par certains de ses pays membres qui n’y croient toujours pas ou plutôt qui prétendent qu’une incertitude plane sur la nature et la forme indécises des nouveaux paradigmes qui régissent les relations internationales. Cessons d’être toujours philosophes, soyons plutôt pragmatiques : d’importantes fractures se produisent au sein même de l’Union européenne où chaque Etat – à tort ou à raison – privilégie ses intérêts souverains au détriment des intérêts collectifs. Une telle situation est d’autant plus pénible pour la France qui – non seulement – est en train de supporter une Europe déchirée, mais qui voit sa sphère d’influence en Afrique diminuer de façon significative. Paris le prend encore mal surtout quand il s’agit de Rabat qui devient autonome. Etre partenaire du Royaume, c’est affirmer une position claire et sans ambages concernant la marocanité du Sahara. Et ça ne s’arrête pas là puisque Paris estime que le Maroc commence à lui faire de l’ombre en Afrique, en occupant des positions de leader incontestable dans des secteurs stratégiques clés, y compris sécuritaires.
Au contraire, cette lecture est inexacte car une conjugaison des atouts – marocains et français – en Afrique servirait, de façon notable, les intérêts des deux pays. Et c’est pour cela que les liens traditionnels d’amitié entre le Maroc et la France ont vivement besoin d’être reconfirmés, contrairement à ce que certains (marocains et français) dénoncent, par manque de vision stratégique. Il ne s’agit pas d’une simple addition d’intérêts individuels, car une telle addition n’est pas possible compte tenu de la primauté des intérêts étatiques.

La politique africaine de la France mise à l’épreuve

Ces derniers temps, le Maroc ne cesse de faire l’objet de manœuvres constantes d’hostilité de la part de la France qui cherche par tous les moyens à l’isoler et à lui imposer des sanctions européennes. Probablement mal conseillé (des siens ou par d’autres Etats), Macron va à contre-courant des intérêts marocains et français. Dans un esprit de coopération et de respect mutuel, chacune des parties devrait être à l’écoute de l’autre. Et quand quelque chose ne va pas, il ne faut pas faire peser des charges inutiles : il serait plutôt question d’ouvrir le dialogue et mettre le doigt là où ça fait mal.
Nous n’allons pas revenir aux preuves irrécusables qui témoignent d’une malveillance ou d’une négligence grave de la France envers le Maroc. Il ne s’agit pas là de mettre de l’huile sur le feu et ce n’est pas du tout l’objectif. Au fait, devant la valse-hésitation du gouvernement Macron dans ce dossier du manège de la géopolitique, il faut se demander s’il y a un pilote dans l’avion. Je ne m’aventurerais pas à dire qui a raison ou qui a tort, mais je dirais que le temps est venu pour la France de revoir et clarifier la vision du partenariat avec les Etats africains – et en premier lieu avec Rabat. On ne peut guère s’imaginer une Afrique sans Maroc, ni engager une coopération africaine sans Rabat. Il s’agit là d’une toute autre question que l’on oublie mais qui reste fondamentale.
En outre, je voudrais rappeler quelques faits qui témoignent de l’importance du partenariat maroco-français : des échanges commerciaux qui sont en constante augmentation, un Maroc qui reste l’une des destinations touristiques privilégiées des Français, des étudiants marocains qui représentent près de 12% des étudiants étrangers scolarisés en France, l’existence d’une importante diaspora en France (deuxième plus importante nationalité non européenne, estimée à près de 19% de la population immigrée totale) – et la liste est longue.

Entre alliés traditionnels, l’engagement mutuel est une condition sine qua non

Si jadis le Maroc était sous protectorat français et qu’il a réussi – aujourd’hui – à se frayer une place privilégiée dans l’échiquier des relations internationales, cela ne veut pas pour autant dire qu’il tournera le dos à Paris car le Royaume chérifien connaît bien la valeur de l’amitié. Arrêtons de chercher midi à quatorze heures pour faire ressortir – par-ci, par-là – des articles qui mettent le feu aux poudres, à travers la fumée particulièrement toxique qui étouffe l’opinion publique internationale. Ce n’est ni une histoire liée à des refus de visas, ni les débordements au sein de l’Union européenne, ni Pegasus, ni Morocogate, ni je ne sais quoi, qui entacheront la crédibilité du Maroc et arrêteront sa lancée. Et ce n’est pas non plus de cette manière que la France servirait ses propres intérêts. Allons à l’essentiel : il n’est donc pas demandé à la France de tomber à genoux mais de sortir de son déni. Au fait, l’Elysée, confronté au poids de la vérité, a choisi le silence et l’inaction. Pourtant, elle reste tenue de réparer une erreur historique qui n’a que trop duré : le président français n’a d’autre issue que de sortir de l’indécision et de l’hésitation car l’avenir africain de la France se trouve bien au Maroc (double porte d’entrée vers l’Afrique et l’Europe) et nulle part ailleurs.

Soyons plutôt pragmatiques : d’importantes fractures se produisent au sein même de l’Union européenne où chaque Etat – à tort ou à raison – privilégie ses intérêts souverains au détriment des intérêts collectifs.

Il est attendu de l’Elysée de reconnaitre officiellement et publiquement la marocanité du Sahara dans le cadre du processus onusien. Une question légitime surtout que la France a été derrière la délimitation des frontières entre le Maroc et l’Algérie et qu’elle tient des archives remplies de preuves irréfutables. La France est aujourd’hui prise dans le piège du nouvel ordre mondial et reste fortement préoccupée par son retrait forcé de l’Afrique. Nous voici donc à l’heure de vérité : à la France de prouver au monde entier si son amitié avec le Maroc et l’Afrique est vraie ou fausse. Pourquoi ne pas promouvoir un axe «Rabat-Alger-Madrid-Paris» où la reconnaissance de la marocanité du Sahara profiterait à tous les niveaux et à toutes les parties ? Certains s’en moqueront ou en riront comme d’une impossibilité sauf que cette recommandation permettrait d’une part, à la France, d’aspirer à un repositionnement durable et sincère en Afrique et d’autre part, au Maroc, de forger un magnifique lendemain maghrébin.

Par Lahrach Yassir

Docteur en droit/Expert en Intelligence économique
Analyste en stratégie internationale/Auteur du concept d’intelligence diplomatique

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