Abdallah Ibn Yasin, qui initie la mobilisation des tribus amazighs Sanhaja du Sahara atlantique (Lamta, Lamtoūna, Gezula, Messoufa, …) autour d’un mouvement réformiste malékite, conquit, avant son décès, en 1059, «Sijilmassa et ses dépendances, l’ensemble du Sûs, de l’Aghmat, du Nûl et du Sahara», c’est-à-dire le Sahara occidental et le Sahara atlantique.
Histoire : Dès qu’il pacifie le nord du Maroc, Moulay Idris II s’empresse d’asseoir son autorité sur les régions sahariennes de l’“au-delà de l’Atlas” où il effectue, en 812/813, une expédition dans les territoires de Masmouda, au contrebas du Haut-Atlas, au commencement du Maroc saharien.
Le Sahara marocain entreprend dans l’histoire et le présent du Maroc un rôle clé dans la formation et l’évolution de la Nation et de l’État marocains.
Cinq des sept dynasties marocaines sont originaires du Sahara. L’historien Henri Terrasse synthétise finement«cette référence essentielle dans l’histoire marocain» lorsqu’il relève que «la conquête périodique du Maroc intérieur (atlantique et méditerranéen) par le Maroc extérieur (continental et saharien), a pris diverses formes. Le plus souvent, une dynastie née au-delà de l’Atlas a conquis le Maroc atlantique».
Les Almoravides, des Sanhaja du Sahara atlantique, ont créé le premier Empire marocain, à cheval sur l’Afrique et l’Europe. Les Mérinides, des Zénètes du Sahara oriental, sont les précurseurs de la genèse de la société hassaníe. Les Saâdiens, des Chérifiens de Oued Drâa, ont consolidé le rôle inhérent du Sahara dans le dessein géopolitique du Maroc. La dynastie alaouite, descendante de Moulay Ali Chérif de Tafilalet, consacre la prééminence de la région du Sahara au sein de la nation et de l’Etat marocains.
Nūl Lamta, l’administration régionale des Idrissides au Sahara
Les Idrissides, fondateurs du premier État marocain, ont veillé à l’accomplissement du devoir imprescriptible et immuable qu’assigne la Bai’a – l’acte éternel de l’allégeance – à l’exercice direct et effectif du Souverain de son autorité sur l’ensemble du territoire national. Dès qu’il pacifie le nord du Maroc, Moulay Idris II s’empresse d’asseoir son autorité sur les régions sahariennes de l’“au-delà de l’Atlas” où il effectue, en 812/813, une expédition dans les territoires de Masmouda, au contrebas du Haut-Atlas, au commencement du Maroc saharien.
Son fils, Moulay Abdallah, gouverneur du Sūs et du Sūs Al-Aqça, dont fait partie «le territoire des Lamtas et des régions qui en dépendent -l’actuel Sahara marocain-», créée la ville de Tamdoult, au pied du Jbel Bani, près de la cluse d’Akka, col de passage des caravanes médiévales. La construction, ou plutôt la mise en valeur, en 745/746, par Abderrahmane Ibn Habib, Gouverneur de -la lointaine- Ifriquia, d’un chapelet de puits allant du Jbel Bani jusqu’à Zemmour, dans l’extrême sud-est du Sahara marocain, à équidistance du puits d’El Farsiya (Saqiya al- Hamrâ), renseigne sur la renommée précoce de cette route occidentale transsaharienne. L’historien Mohamed An-Naciri déduit, de la lecture des récits des Géographes -Historiens musulmans médiévaux (Ibn Khūrdabdeh, IXe siècle; Ibn Haoqal, Xe; Al Bekri, XIe; Al Idrissi, XIIe; Yaqout al-Hamawi et Ibn Saïd, XIIIe; Ibn Battūta, XIVe; Hassan al-Wazzaān, XVIe, …) que l’Emir Abdallah Ibn Idris II s’est installé à Nūl, fondée par les Lamtas (Sanhaja), vers la moitié du VIIIe siècle, à la même époque que Sijilmassa des Meknassa (Zénètes). l’émir-gouverneur Moulay Abdallah doit y avoir siégé, au moins, le temps nécessaire au recrutement de représentants ayant l’assise tribale et la compétence requise pour accomplir les attributs régaliens de l’entretien des points d’eau, la sécurisation des caravanes et la levée des impôts le long du corridor occidental caravanier, important pourvoyeur de recettes fiscales du Maroc médiéval. L’anthropologue Frédéric De la Chapelle y voit, dans l’«Esquisse d’une Histoire du Sahara occidental», publiée en 1930, une initiation de ces chameliers, grands nomades, à ce qui deviendra «le Makhzen».
Les Almoravides, les Voilés du Sahara, créateurs du premier Empire marocain
Nūl Lamta (à 15 km de Guelmim), unique ville du Sahara atlantique occidental du haut-médiéval, s’est transformée, durant le siècle Almoravide, en un port caravanier incontournable et en un centre de production réputé, notamment par la frappe de la monnaie et la confection du «Bouclier de Lamta» qui faisait la fierté de la cavalerie almoravide.
Nūl Lama a vu naître Waggāg Ibn Zalluw Al-Lamti, érudit de l’école malikite, fondateur de «Dūr al-Murūbiṭūn» – Maison des Almoravides-, où il affine la formation au leadership d’Abdallah ibn Yasin al-Gezulí, futur guide spirituel des Almoravides.
Abdallah Ibn Yasin, qui initie la mobilisation des tribus amazighs Sanhaja du Sahara atlantique (Lamta, Lamtoūna, Gezula, Messoufa, …) autour d’un mouvement réformiste malékite, conquit, avant son décès, en 1059, «Sijilmassa et ses dépendances, l’ensemble du Sûs, de l’Aghmat, du Nûl et du Sahara», c’est-à-dire le Sahara occidental et le Sahara atlantique.
Le grand orientaliste H. T. Norris affirme dans son ouvrage «Saharan Myth and Saga» que «De fortes évidences soulignent que le principal théâtre des plus anciens exploits des Almoravides Sanhâja était situé près de la Saqiya Al-Hamrâ et sur la bordure méridionale de la Hamada de Tindûf. C’est là, beaucoup plus qu’au cœur de l’Adrâr, du Tagânit et du Hawd, qui apparaissent plus tardivement dans la saga, ou seulement de manière intermittente dans ses premières périodes, que la base des activités de Abdallah ibn Yasîn et de son maître Wajjâj Ibn Zalwî se situe principalement. Les distances par rapport à Nûl Lamta, Sijilmâsa et le Sous étaient relativement courtes. »
Trig Lamtoūni, axe central du commerce caravanier
L’Empire almoravide, dont le territoire s’étendait de l’Afrique subsaharienne à la péninsule ibérique, a fait du Sahara – « cette autre Méditerranée » de Fernand Braudel – la colonne vertébrale des échanges entre l’Empire marocain, l’Afrique sahélienne et subsaharienne et la Méditerranée.
L’anthropologue – sociologue Pierre Bonte signale, dans «La Saqiya al- Hamrâ, berceau de la culture ouest-saharienne» que toutes les ramifications de la route caravanière transsaharienne passent par la Saqia al- Hamrâ :
– La route principale: Trig Lamtoūni, en référence à l’émir almoravide Omar Ibn Abou Bakr Lamtoūni, mène au nord à Sijilmâsa, en passant par oued Drâa et oued Nûn ; puis il rejoint Tindûf pour se diriger vers Adrar T’mar, Qsar Azûggi et Awdaghust en Mauritanie ;
– La route Sijilmâsa traverse la Hamada de Tindûf, se dirige vers le delta du Niger pour rejoindre Taghâza et Walâta (Mauritanie) puis converger sur Tombouctou (Mali) ;
– La route côtière, dont l’usage n’a été interrompu, abruptement, que durant l’intervalle coloniale européenne, longe la côte atlantique pour déboucher sur les «Pays du Soudan» de la vallée du Sénégal.
Les Mérinides, l’éclosion de la composante Hassaníe
L’historien Mohamed Kably indique, dans sa publication « Espace et pouvoir au Maroc à la fin du Moyen Âge », que les Bni Merin, en quête du pouvoir, installés à la fin du Xe siècle et au début du XIe, dans les steppes sahariennes du nord-est, entre le Moulouya et le Rif, ont poussé les Beni Hassan de Ma’qil, provenant de la migration hilalienne, qui s’évertuent à camper non loin de leurs zones de pâturage, à aller s’installer ailleurs, -du côté de Dar’a-, là où se développe le fructueux commerce caravanier transsaharien. Les chercheurs Antonio Frey Sànchez et Mariano Sanz attribuent, dans “Les origines du Panorama tribal du Sahara occidental à travers l’archéologie extensive”, publiée en décembre 2015, la parenté de la poussée des Beni Hassan de l’Oriental vers les étendues méridionales sahariennes au Sultan mérinide Abou El Hassan (1331-1351).
La dynastie Mérinide est donc l’initiatrice de la genèse de la composante Hassaníe de la société marocaine, issue de la fusion des tribus des Sanhaja, des Beni Hassan, et des Saints –
Fondateurs de tribus, venus de Jbel al-Alam de Ouezzane, au nord du Maroc.