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Situation de l’enfant au Maroc : L’Arlésienne

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Entre violences quotidiennes, travail forcé, maltraitance, abandon scolaire, pauvreté et précarité, ce sont des millions d’enfants marocains qui vivent encore dans des conditions alarmantes.

Par Dr Imane Kendili
Psychiatre-addictologue

Selon les derniers chiffres sur l’enfance au Maroc, le nombre d’enfants en 2019 était de 11,2 millions (5,5 millions de filles et 5,7 millions de garçons). La part des enfants dans la population totale est de 31,4% en 2019 alors qu’elle était de 33,5% en 2014. Cela représente une part très importante de la population globale du pays. Pourtant, chaque année, avec chaque rapport onusien, force est de constater, que malgré des avancées certaines et des efforts consentis de la part des autorités de tutelle, la situation des enfants reste préoccupante au Maroc.
Pour toucher du doigt cette réalité, il faut passer au crible les différents secteurs de la vie marocaine où la protection de l’enfance doit être un fait établi et acquis et non un simple vœu pieux. De la santé à l’éducation en passant par le sport, le travail et d’autres domaines où l’enfant doit être intégré et protégé contre toutes formes de violences, le constat est toujours le même : il y a de profondes lacunes et un travail de fond à mettre en place pour protéger les enfants marocains et respecter leurs droits, et, à tous les niveaux de la vie.

Dans ce sens, la situation des enfants au Maroc est triste. Travail forcé, abandon scolaire, agressions, viols, harcèlement, marginalisation, absence de prise en charge morale et physique en cas de maladie, de handicap ou les deux. Bref, dans une large mesure, il ne fait pas bon être enfant au Maroc. Que l’on ne se voile pas la face, les chiffres sont là pour l’attester.
En 2015, 4,4% des enfants vivaient dans des ménages en situation de pauvreté absolue (7,2% en milieu rural et 2,1% en milieu urbain) et 14,4% des enfants vivaient dans des ménages en situation de vulnérabilité (21,2% en milieu rural et 14,4% en milieu urbain). En plus, 39,7% des enfants au Maroc étaient en situation de pauvreté multidimensionnelle. Les enfants en milieu rural sont généralement plus vulnérables à toutes les dimensions de privation (logement, eau, nutrition, santé, couverture maladie, éducation, etc.). En effet, seulement 8,1% des enfants en milieu rural ne sont privés d’aucune dimension de bien-être, en comparaison aux 42,5% des enfants en milieu urbain. En effet, selon l’étude «Profil de la pauvreté des enfants au Maroc», réalisée par l’ONDH et le MFSEDS, avec l’appui de l’UNICEF, un enfant est considéré dans une situation de pauvreté multidimensionnelle s’il est privé dans au moins deux dimensions de son bien être parmi les 8 dimensions considérées dans cette étude (logement, eau, assainissement, nutrition, santé, couverture maladie, éducation et information).
Dans ce sens, il faut insister sur le volet éducation et école. C’est là où les choses sont les plus graves. Plusieurs études ont démontré que même en allant à l’école les enfants marocains restent très limités en termes de savoir et de compétences, avec de grandes disparités entre le public et le privé. Il faut ici préciser que le taux net de scolarisation au niveau secondaire (collégiale et qualifiant) reste moyen, surtout en milieu rural et pour les filles : le taux net de scolarisation est de 58,1% au secondaire collégial (36,8% en milieu rural et 74,9% en milieu urbain) et de 33% au niveau qualifiant (10,4% en milieu rural et 50,2% en milieu urbain). De même, le taux net de scolarisation au préscolaire a faiblement progressé. Il reste aux alentours de 50%, ce qui témoigne d’un besoin d’investissement dans le secteur préscolaire en vue de sa généralisation à l’horizon 2027-2028 conformément à la Vision stratégique 2030 du secteur éducatif et à l’engagement gouvernemental dans ce sens.

Côté violence, il faut juste retenir un seul chiffre : 91% d’enfants âgés de 2 à 14 ans sont toujours victimes de la violence, entre agression psychologique et châtiments corporels.
Venons-en maintenant aux mentalités face à la protection des enfants. Au-delà des mariages précoces, de la braderie des jeunes filles à peine pubères, il y a chez les femmes, en mettant de côté ce qu’en pensent les hommes, des atavismes inoxydables. 4% de femmes âgées de 15 à 49 ans pensent qu’un mari a le droit de frapper ou de battre son épouse. Des idées enracinées dans la pensée marocaine où la femme et la jeune fille payent un lourd tribut aux archaïsmes de tous poils. Voici en gros quelques statistiques qui reflètent la situation des enfants dans le royaume. Il y a certes certains progrès, mais le travail qui reste à faire semble titanesque, et ce, à tous les niveaux.

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