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Société consumériste

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«La société politique contemporaine : une machine à désespérer les hommes»
Albert Camus

L’invasion de la machine dans la vie des gens est telle que le nombre d’engins en usage aujourd’hui sur terre se compte par milliards. La production en série de toutes ces machines a fini par encercler les humains en en faisant des prisonniers à ciel ouvert de l’ère du robot dans ses innombrables variations. Dans tous les compartiments de la vie, de la chose la plus insignifiante à l’action la plus complexe, la machine est là occupant la place de l’Homme. D’invention en invention, les humains passent au second plan. De découverte technologique à l’autre, l’individu ne peut plus exister que dans l’ombre de la machine. Et plus celle-ci est sophistiquée, plus elle se passe complètement de l’implication de l’homme. Celui-ci est au meilleur des cas un adepte du tout technologique. Au pire, il s’aplatit sous le rouleau compresseur de ferraille qui contrôle tous les instants de sa vie.

De la montre intelligente au satellite en orbite autour de la Terre, en passant par le smartphone, la tablette tactile, l’ordinateur, la moto, la voiture, l’avion, la fusée, avec toutes les combinaisons en série qui découlent de toutes ces inventions, l’individu subit le diktat infaillible de la touche, du clic, de la commande par empreinte. Bientôt, même ce rapport encore possible qui consiste en un contact effectif en vue de l’utilisation du gadget technologique, finira par disparaître laissant place à une autre génération d’engins de plus en plus petits qui jouiront d’une totale autonomie dans leur relation avec leurs bénéficiaires qui n’en sont plus des utilisateurs mais des consommateurs intégrés. Autrement dit, l’individu portera sous la peau une puce intégrée qui prévoit ses commandes à sa place avant de lui en imposer d’autres selon le bon désir de ladite puce, télécommandée, elle, par un ordinateur central qui régit la vie de tous. C’est ici, à ce stade, dans lequel nous sommes déjà plongés pieds et mains liés, que la réalité dépasse toutes les prévisions de la science-fiction. Les visions combinées de Aldous Huxley dans son meilleur des mondes et de George Orwell dans l’unique 1984, font partie aujourd’hui des archives de la société technologique.

Les humains ont aujourd’hui entre les mains leurs jouets techniques qui les contrôlent et les espionnent à une échelle planétaire globale. Ce grand frère dictateur qui ne rate rien de la vie de tous appartient à la préhistoire du contrôle humain par la machine. Aujourd’hui, des milliards de caméras sont braquées sur chaque mouvement fait par une entité vivante, de la souris des égouts à l’homme hagard qui sillonne les cités bétonnées, fou aliéné, ne sachant plus qui il est et à quelle race il appartenait, jadis : «On a senti le diable dans la machine et on n’a pas tort», écrit Oswald Spengler. Sauf que ce diable est plus coriace que tous ses prédécesseurs. Il ne bouffe pas l’âme et la cervelle de l’homme à coups de menaces d’enfers rugissants, mais il le charge de jouets interchangeables et remplaçables ad infinitum.

Et il s’en lave les mains. L’homme peut alors devenir son propre bourreau se donnant en spectacle devant tous les diables qui jubilent et se moquent. Triste fin pour une entité vivante soi-disant porteuse d’espoir. On peut lire chez l’écrivain italien, Erri Di Luca, cette phrase qui rend compte de la facilité avec laquelle les humains ont passé la main. «La vie se passera sereinement de nous, nous ne sommes pas indispensables, individus ou espèce tout entière, à cette merveilleuse machine du monde». Cette dernière étant aujourd’hui coupée de ce même monde. C’est une moissonneuse batteuse qui fauche à tour de lames faisant de nous tous un numéro de série sur une liste de tous ceux qui vont passer à la trappe. C’est un génocide programmé qui a débuté il y a des siècles et qui prendra fin avec notre effondrement complet. Dans ce processus, les humains cumulent les chutes et les dégringolades passant d’une génération technologique à une autre, toujours en quête de ce nouveau robot qui peut les effacer de la surface de la planète.

Philippe Sollers a écrit quelque chose qui va dans ce sens et qui nous met la réalité de ce monde en face des yeux: «Les hommes demanderont de plus en plus aux machines de leur faire oublier les machines». De sophistication en invention, de découverte en trouvaille sans précédent, l’ère de l’Homme se perd dans le foisonnement des gadgets. Si on ajoute à cela ce qu’avait dit August Strindberg sur l’éducation et le monde moderne, plus aucun espoir n’est permis : «L’éducation fait de chacun de nous une pièce de machine et non pas un individu»… à suivre.

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