ChroniquesUne

Tuer le temps…

© D.R

Je voudrais débuter ma chronique par la réflexion de deux jeunes, qui m’ont marqué à jamais : l’une d’un jeune franco-marocain qui -alors que j’étais conseiller de Martine Aubry, ministre française de l’emploi et de la solidarité,- m’avait dit ‘’je rouille plus vite que le banc sur lequel je suis assis’’ et l’autre d’un jeune marocain de Hay Mohammadi qui m’avait répondu ‘’Ahmed, les jeunes de ma génération sont déjà morts dans leur tête’’.

Jamais je n’ai pu effacer ces paroles de ma mémoire et pour moi elle sont révélatrices de tant de comportements, tant d’attitudes, elles montrent tant le désespoir d’une génération, voire plus que cela, elles mettent au grand jour la résignation de toute une génération.
Y a-t-il pire que la résignation lorsque l’on a 20 ans !
Je sais pertinemment que je vais m’attirer les foudres de ceux qui pensent que chercher à comprendre équivaut à excuser -alors qu’au contraire comprendre est la base pour (ré)agir- mais tant pis, je suis logique avec mes principes et je me base sur ce que je vis sur le terrain pour conforter mes dires…
Toujours est-il que pour moi, il n’est de pire échec pour une société que de voir sa jeunesse en être réduite à ‘’tuer le temps’’.
Or c’est ce que fait notre jeunesse -tout du moins une partie de notre jeunesse- elle tue le temps lorsqu’elle s’adonne à la drogue, elle tue le temps lorsqu’elle sombre dans l’alcool, elle tue le temps lorsqu’elle casse, comme elle l’a fait lors de la soirée d’Achoura.
Elle tue le temps et par là même se tue elle-même.
Lors de cette nuit la majorité de ces jeunes était là pour se divertir, passer un moment ensemble, “faire du bruit” et nombre d’entre eux ne connaissent d’ailleurs pas la signification d’Achoura.
Sont ensuite apparus des voyous, des casseurs dont la volonté était de s’en prendre aux forces de l’ordre, de casser. Une minorité de jeunes les a suivis (notamment les plus jeunes) par “effet de meute”.
A laisser notre jeunesse grandir comme “une herbe folle”, nul doute que la moisson sera amère…
Sur les réseaux sociaux de nombreux messages ont appelé à utiliser la ‘’zerrouata’’, à les enfermer, à les envoyer “au Sahara”…
Soit, la répression peut stopper la violence sur le moment, mais peut-on croire qu’elle soit une solution pérenne, peut-on penser que la prévention, l’éducation, la formation ne sont pas les premiers outils et la répression un dernier recours ?
Une fois cela dit, il faut entendre ce que ces jeunes nous disent : que leur avons-nous laissé pour “vivre leur jeunesse” -en cette période de pandémie particulièrement – nos jeunes en sont réduits, au sens propre du terme, à tuer le temps !!!
Pas de plages, pas de sport, pas de matchs, pas de regroupements, pas d’espaces à eux (maisons de quartiers, centres culturels, jardins…), très peu d’accès à Internet (certes, ils sont nombreux à posséder des smartphones, mais sans les moyens de s’offrir des abonnements et recourant au système des recharges), promiscuité “castratice” avec les parents, avec la famille sans les habituelles possibilités d’évasion…
Il serait faux de croire que le mal-être de notre jeunesse date de cette période de pandémie, de confinement, le malaise vient de bien plus loin, il est bien plus profond. Et ces signes avant-coureurs : vol dans un marché aux moutons, dérapages de la nuit d’Achoura, pourraient bien nous prédire des lendemains qui déchantent, si rien n’est fait.
La vie de notre jeunesse, le destin de nos quartiers, nécessitent une vraie volonté politique, un vrai plan de développement .
Les jeunes sont livrés à eux-mêmes, sans loisirs, sans accès à la culture, en manque de repères… Et sans autorité, les parents étant ‘’largués’’ depuis déjà longtemps…
Nos jeunes ont besoin d’encadrement, d’accompagnement et de «modèles» identificateurs.
Laisser notre jeunesse face au vide hypothéquera le développement de toute notre société. Faisons preuve de volonté, d’imagination, la solution ne viendra pas toute seule, et là c’est toute la classe politique, toute la société civile qui sont interpellées.

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