L’âme marocaine est belle par essence, faite de fraternité, d’hospitalité, d’ouverture sur l’Autre, d’empathie, de joie de vivre… cette âme il nous faut la nourrir et l’une des clés les plus à même de l’abreuver est bel et bien la culture.
Qu’est -ce donc qu’être Marocain aujourd’hui?
Cette question peut paraître incongrue, pourtant je pense qu’à intervalles réguliers il nous faut nous poser cette interrogation. Personnellement ce sont des publications d’individus ou de groupes marocains -qui se baptisent identitaires- sur le réseau social X (Twitter) à caractère scandaleusement xénophobe qui m’ont poussé à réagir. Bien sûr la marocanité est «de toujours et à jamais», mais une identité ne saurait être figée, elle est en constante évolution. Chaque génération nouvelle amène son apport, le monde environnant influe et aujourd’hui les nouveaux moyens de communication, les réseaux sociaux, l’immigration, les Marocains de l’étranger… apportent leur lot d’affluents inédits. Certains, frileux, y voient un danger, parmi eux – précisément- ceux qui m’ont amené à m’insurger, par leurs propos effarants sur Twitter qui préconisent un repli à double tour de notre société.
Or si nous sommes sûrs de notre Histoire, de notre ancrage culturel, civilisationnel, religieux, nous devons au contraire nous féliciter d’être au cœur d’une identité en évolution.
Une identité glacifiée est une identité sclérosée, vouée le plus souvent à disparaître.
Bien entendu il n’est pas ici question -sous prétexte de modernité ou d’évolution- de «gober» tout ce qui nous vient, nos valeurs ancestrales doivent être préservées. Je parle bien de valeurs et non de (faux) tabous imposés par des partisans d’un repli identitaire suicidaire.
Cependant reconnaissons les apports nouveaux, porteurs de changements positifs, d’évolution des mentalités et qui nous permettent une adaptation raisonnée au monde qui bouge.
Je voudrais citer un exemple vivant de notre faculté à adopter le renouveau sans perdre notre âme, je veux parler de notre Darija. Sans cesse en évolution, adoptant de nouveaux mots, de nouvelles expressions portées par les jeunes ou venues d’ailleurs ou transformant des anglicismes, des termes importés du français, de l’espagnol ou encore de «l’arancia».
Le langage typique des réseaux sociaux la marquant également de son empreinte.
Est-ce que cela appauvrit notre Darija ? Bien au contraire, cela l’enrichit, lui apporte des couleurs, la montre vivante et vivace…
D’où m’est venue l’idée de ce thème pour ma chronique, tout simplement parce que j’ai été amenée à mesurer à quel point certains de nos décideurs étaient en retard sur notre identité actuelle, en méconnaissant totalement les codes, les nouveaux aspects qui induisent bien évidemment des envies nouvelles, des besoins nouveaux, des façons de pensées différentes.
Un peuple c’est une âme, or une âme ça se cultive, la laisser en friche revient à l’assécher, or l’âme marocaine est belle par essence, faite de fraternité, d’hospitalité, d’ouverture sur l’Autre, d’empathie, de joie de vivre… cette âme il nous faut la nourrir et l’une des clés les plus à même de l’abreuver est bel et bien la culture.
La mémoire est identitaire, la diversité en est le fondement, il nous faut les transmettre aux jeunes générations, sans cependant refuser ou nier les éléments novateurs portés par cette jeunesse. Transmettre notre passé, notre identité ne signifie pas nous enfermer dans un carcan et personne ne peut s’en arroger le monopole. Notre identité est constitutive de notre âme et notre âme modèle notre identité. Être Marocain aujourd’hui, c’est faire l’effort, chaque jour, d’accepter «l’autre», le repli (faussement) identitaire étant le fossoyeur de l’âme.
Regardons autour de nous, un peuple qui perd sa part de spiritualité, d’esprit d’ouverture, de curiosité bienveillante est un peuple qui se ferme et va au-devant du néant.
Nous avons la chance de posséder ce «supplément d’âme», cultivons-le, il est notre spécificité, qui nous protège en interne, et représente un des meilleurs vecteurs de notre soft power dans le monde.