Chroniques

Un vendredi par moi

Mustapha Alaoui, directeur d’Al Ousbou’ Assahafi,  s’est excusé, pour faire amende honorable, auprès du Premier ministre. Il faut le dire, la bourde était énorme. Pas moins qu’une intrusion, pour le moins illicite si elle avait eu vraiment lieu, dans «l’ordinateur personnel» du secrétaire général de l’ONU, l’accusation d’un membre VIP de la délégation marocaine de vol de la carte bancaire de Ban Ki-moon, la remise en cause de la diplomatie marocaine dans l’affaire du Sahara et l’installation du doute dans nos esprits sur la position du patron onusien. Le tout tiré d’un mail personnel que le patron onusien aurait adressé à un ami. On le sait maintenant, cette correspondance est au mieux une farce, au pire une manipulation. Elle repose avec insistance l’usage que l’on peut faire d’un outil à la fois magique et diabolique : l’Internet. Pas plus tard que la semaine dernière, j’ai posé le problème à l’occasion de la scandaleuse mise en circulation sur le réseau de la vidéo d’une soirée privée où l’on peut voir les convives s’adonner aux joies de la fête entre amis.

A la dernière conférence des régulateurs africains de l’audiovisuel réunis à Ouagadougou, la question a été posée avec acuité sans en ignorer la difficulté. En Belgique aujourd’hui, par exemple, il y a, affirme la présidente du CSA belge, Evelyne Lentzen, un large consensus autour de «la préservation des identités, la lutte contre les discriminations, la protection des publics sensibles et de la dignité humaine ainsi que la défense du pluralisme.» Tous ces segments constituent pour les Belges le socle commun de la régulation des contenus audiovisuels qui est une responsabilité du régulateur quels que soient les moyens techniques utilisés pour atteindre le public. Mais ceci ne peut valoir dans les produits diffusés via le protocole IP que pour les contenus connus et autorisés et de ce fait identifiés. Quid alors des autres millions de contenus circulant sur une toile qui ressemble de plus en plus à une véritable jungle ?
Vieux routier, homme des médias, ancien président du CSA français, Hervé Bourges, rappelle, dans la foulée du professeur burkinabé Balima, «qu’Internet est aujourd’hui le meilleur moyen de faire courir en quelques heures les pires rumeurs, ou au contraire de les faire grossir progressivement en les laissant pousser distraitement. Comme tous les outils d’information, c’est aussi un formidable moyen de désinformation, de fabrication de fiction, de déconstruction du réel, de montage et de manipulation de l’opinion.»

Comment ne pas repérer dans ces schémas le traquenard dont a été victime Al Ousbou’ ? Or, si un journaliste aussi chevronné que Mustapha Alaoui peut tomber dans ce genre de piège, on imagine facilement les ravages que peut faire impunément Internet dans des populations moins averties. Sur la toile, remonter à la source de l’information est une tâche titanesque. Elle n’en reste pas moins possible. Sanctionner la faute quand elle s’avère, appelle une harmonisation des législations au plan régional et international. C’est compliqué mais faisable. Cependant, l’un des verrous sur lequel il faut commencer à agir sans attendre est le développement des capacités de discernement chez les utilisateurs. Des associations à l’image de Moroccan International Society que préside Aziz Hilali, docteur d’Etat en mathématiques appliquées et informatique, s’y emploie. Mais la mission est si énorme qu’il est urgent pour l’Etat, en s’associant aux compétences les plus avérées de la société civile et politique, d’y mettre ses moyens.

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